Si le passage de l’oralité à la scripturalité a été largement investigué, l’apparition de la parole chez l’homme est un sujet particulièrement pauvre en données exploitables. Dans ce domaine les spéculations vont bon train. Rousseau avait quant à lui une théorie selon laquelle la parole est apparue après ce qu’il nommait « le cri de nature », quand l’homme a rencontré l’homme, quand il devenait indispensable de comprendre son voisin autrement que par une gestuelle corporelle. Une deuxième étape dans ce processus de la parole se reproduit avec le nouveau né qui doit acquérir une expression orale compréhensible. Des théories modernes supposent que le babillement comparable à celui des oiseaux, signe la naissance du langage chez le petit d’homme. Outre les questions portées par l’apparition du langage, il en existe d’autres en particulier celles qui s’inscrivent dans le domaine de la linguistique. Même s’il s’agit d’une science descriptive elle n’est pas exempte d’interrogations. Et cerise sur le gâteau un article récent How grammar influences perception, pointe du doigt une nouvelle facette, l’exploration, les rapports entre la langue et la perception. C’est assez dire que l’on aborde un champ encore plus complexe puisque de la perception à la parole primitive on passe de la parole à la perception seconde ! On sait déjà qu’il existe une cinquantaine de mots pour parler de la neige chez les inuits, la neige qui tombe n’étant pas celle qui va tomber, il ne s’agit donc pas de la même neige et il n’est pas inexact de la nommer différemment ! Mais il s’agit encore dans l’article sus cité d’un autre aspect, à savoir l’influence de la grammaire sur la perception de celui/ceux qui utilise(nt) la dite grammaire. La question de fond étant de savoir si tous les hommes perçoivent le monde de la même façon ! En fait ce qui semble se détacher des enquêtes menées à partir des langages australiens indigènes (cf l’article cité) c’est l’existence de nombreuses boucles rétroactives liant pour le meilleur, la langue, la culture, le savoir. Ainsi serait-il illusoire de vouloir envisager séparément ce tout qui pourrait définir l’humanité.
Posts Tagged ‘humanité’
Le locuteur et le linguiste
mercredi, octobre 25th, 2023Chaînon manquant ?
lundi, mai 31st, 2021Comment l’écriture est-elle née est une question intéressante et pour y répondre, les nombreuses études s’appuient essentiellement sur des artéfacts humains au nombre desquels les peintures pariétales tiennent un grand rôle. Comment le langage est-il né est une question tout aussi importante mais sa réponse repose sur le vent : comme le dit la vulgate populaire « verba volant, scripta manent » ! Au commencement que l’on choisisse le polythéisme ou le monothéisme, l’humanité a préféré faire le choix d’une langue unique : celle des créatures de Prométhée, celle des descendants d’Adam. Puis après ce temps de la compréhension universelle, un accroc dans le déroulement de l’humanité vint mettre un terme à cette époque bienheureuse et s’installa le temps de l’incompréhension universelle. Les mythes et les écritures se rejoignent pour évoquer ce temps d’un langage commun et c’est justement ces débuts de l’oralité que la science cherche à explorer (Scientists find ‘missing link’ behind first human languages). Si depuis quelques temps déjà on évoque l’influence possible du passage à la bipédie pour que l’homo abilis ait été en mesure de parler vers la fin du paléolithique, il n’existe que des hypothèses concernant les débuts du langage articulé. Or il existe déjà bel et bien des langages inarticulés porteurs de signification comme par exemple les vocalises des oiseaux, mais il ne s’agit là que d’un exemple parmi tant d’autres. Et donc, pourquoi ne pas imaginer qu’avant une expression orale articulée ait pu existée des vocalises humaines. : quand on mime un ronflement, celui qui l’écoute n’aura aucun doute sur l’interprétation du son ! Par contre, il n’est peut-être pas justifié d’envisager la vocalise débarrassée d’une gestuelle d’accompagnement, puisqu’il faut toujours joindre le geste à la parole !
Le dilemme
jeudi, mai 21st, 2020Le tact fait partie des cinq sens et l’avoir ignoré est aujourd’hui particulièrement mal venu. Car il est évident qu’il n’en a pas été tenu compte depuis quelques mois déjà. La distenciation aurait dû être expliquée à ceux qui ont parfaitement nié l’importance que ce sens tient dans la vie de l’homme, mais peut-être n’étaient-ils pas au courant. On ne peut pas tout savoir ! Un articlce est là pour le rappeler Losing Touch: Another Drawback of the COVID-19 Pandemic, il faut espérer qu’il n’est pas trop tard déjà pour certains. Pourtant tout au long de l’histoire de l’homme nombreux sont ceux qui se sont servis de l’importance de cette perception en jouant de l’isolement des individus qu’ils voulaient contraindre. Sans aucune notion concernant la complexité de la physiologie de ce sens, ils en avaient néanmoins appliqué le principe que l’on peut résumer en un schéma d’une simplicité extrême : toucher—>système immunitaire, soit enore : absence de toucher=baisse des défenses immunitaires. Or s’il est bien un état que l’on aimerait ne pas modifier dans le sens d’une diminution c’est bien la résistance de l’individu lorsque celui ci est agressé. Ce n’est qu’une facette des effets de la distenciation dite sociale alors qu’elle n’a rien de social ! Il y en aura d’autres qui s’inscriront toutes dans des questions éthiques parmi lesquelles : la docrine du double effet et le dilemme du tramway selon Ph. Foot. On peut également lire l’article Opinion: The Isolated Scientist
Ce sur quoi repose et tourne tout le reste.
mercredi, décembre 18th, 2019Le substantif « pivot » étant à la mode, il n’est pas inutile de se pencher sur l’utilisation de l’un de ses synonymes. Parmi ceux-ci on peut s’arrêter sur le mot « axe » utilisé à propos d’une notion apparue dés le XVIII° siècle mais en fait développée par Karl Jaspers. C’est lui en effet qui a proposé le concept d’un âge axial de l’humanité. Situé aux alentours du premier millénaire avant J.-C., il répond à un changement fondamental dont la Grèce du VIII° siècle fut la grande représentante, à savoir le passage d’une société où domine la religiosité à une société où l’homme devient la référence. Or des travaux récents s’inscriraient en faux contre cette théorie (When did societies become modern? ‘Big history’ dashes popular idea of Axial Age, https://www.nature.com/articles/d41586-019-03785-w?WT.ec_id=NATURE-20191212&utm_source=nature_etoc&utm_medium=email&utm_campaign=20191212&sap-outbound-id=03E26EA83B99874D3C1545BA709FC0E9B46781A3&mkt-key=005056B0331B1EE888EF831BEF037191 ). Théorie fausse certainement pas dans l’absolu tant il est vrai que les vérités se sont avérées relatives avec le temps car inexorablement liées aux éléments donnés à étude. Des échantillons de taille supérieure, des spécialistes plus nombreux, des possibilités d’analyses multifactorielles autorisent une meilleure approche de cette réalité archaique que l’on voudrait connaître pour l’interpréter. Le concept par ailleurs n’a rien perdu de sa valeur puisqu’il a permis d’approcher l’humanité dans son l’hétérogénéité temporo spatiale. Si le néolithique s’étend de 8500 à 3000 avant J.-C, c’est parce que l’apparition des premières pierres polies gagne l’Anatolie depuis le Proche Orient sur toute l’étendue de cette période. Il parait donc logique que tout changement de société prenne lui aussi du temps et de l’espace. Le dit concept n’aurait en outre rien perdu de sa verdeur puisqu’il serait de nouveau question « aujourd’hui » d’un nouvel âge axial de l’humanité !
Artefact
jeudi, décembre 12th, 2019Définition : [ars/facio] objet fabriqué ou transformé par l’homme ce qui le distingue formellement de ce que la nature peut réaliser. L’artefact en archéologie est d’une importance capitale car il permet de dater le « faire » de l’humanité en mettant un pied dans la préhistoire, temps dépourvu d’écriture. Probablement dépourvu car il se pourrait qu’existassent des écrits dont les supports auraient été détruits. Le Néolithique n’est pas une ère uniformément répartie de par le monde, ce qui signifie que selon la géographie il s’est développé des sociétés différentes. Agriculture, pastoralisme, cueillette, pêche s’intriquent tandis que l’art est lui aussi largement présent. Si la céramique a sa part, la sculpture n’est pas exclue et les représentations humaines existent déjà avec des silhouettes féminines parfaitement reconnaissables. Les nouvelles découvertes, Nine Possible Bronze Age Figurines Unearthed at Substation Excavation in Orkney?, https://archaeologyorkney.com/2019/12/06/nine-possible-bronze-age-figurines-unearthed-at-substation-excavation-in-orkney/ ) sont troublantes parce que leur signification n’est pas exclusive. Les Orcades sont habitées depuis le Mésolithique et se sont avérées suffisamment riches en sites néolotiques pour être inscrites au patrimoine mondial. Il y a été retrouvé des pierres levées (6m), des figurines, des tombeaux. Mais ces nouveaux artéfacts questionnent l’homme d’aujourd’hui : signification d’une figurine/ signification d’un ensemble de figurines. Cette simple question vient s’ajouter à toutes celles qui se posent lorsque l’on veut interpréter la logique d’un homme préhistorique à l’eaune de celle de l’homme de l’Anthropocène. C’est aussi suivre les pas de Lucien Lévy Bruhl lorsqu’il a réfuté la théorie qu’il avait émise concernant un état de pré logique chez l’homme primitif.
Pourquoi pas un peu d’humour ?
lundi, août 6th, 2018Des discussions enflammées, des séminaires à l’infini, des publications à ne plus savoir que lire, tels sont les manifestations que provoque le thème actuel de l’Intelligence Artificielle. Pas de salut sans avoir choisi entre le Pour et le Contre. Pour choisir entre ces deux extrêmes de quels arguments dispose-t -on ? Des bienfaits tout autant que des méfaits supposés de l’une ou l’autre de ces deux attitudes et contrairement à ce que l’on pourrait penser le Candide serait bien en mal de trancher au vu et au su des confrontations entre spécialistes. Contrairement à ce que R. Poincaré préconisait, le scientifique n’est pas toujours le mieux placé pour traduire en termes compréhensibles le fait scientifique. Mais peut-être est-ce parce qu’il n’y a rien de scientifique dans ce domaine ! Comme cette affirmation est à tout le moins compatible avec la définition d’une oxymore pourquoi ne pas lire l’article Officially Intelligent de Bob Gran (https://www.the-scientist.com/editorial/officially-intelligent-64587?utm_campaign=TS_DAILY%20NEWSLETTER_2018&utm_source=hs_email&utm_medium=email&utm_content=64887135&_hsenc=p2ANqtz–xDvzS5n-Mv14EfKwbZ8C6eyepYKrql06jAcRQoBaxVwyrHc9PBxWynZggLUy3Ic7QzHX42IGqG3deynskPWaAaXO5RQ&_hsmi=64887135). A la manière des adorateurs de la Deep Ecology pour qui la nature ne retrouvera son équilibre originel qu’avec la disparition de l’homme, le biocentrisme l’emportant sur l’anthropocentrisme, l’avenir pourrait-il être meilleur si l’homme disparaissait au profit de la machine ? Une seule solution à ce cauchemar ! Foin de genre, la femme n’est plus le devenir de l’homme, c’est la créativité de l’un comme de l’autre qui sauvera l’humanité !
Mathusalem connais pas
mardi, octobre 11th, 2016Après quelques jours de silence, il est bon de se replonger dans l’actualité des nouveautés scientifiques. Parmi celles-ci il en est une qui traite du temps. Il ne s’agit ni plus ni moins que du temps de la vie humaine, celle qui fait régulièrement la une des journaux avec des allures de match entre les pays, la France et Jeanne Calment, l’Italie et Emma Morano. Il est certain que dans cet ordre d’idée, le champion toutes catégories reste et restera Mathusalem dont le nom est de ce fait devenu synonyme de longévité. Or ce dont l’homme se préoccupe depuis ….., c’est de son temps de vie terrestre, puisqu’il est probablement le seul à avoir conscience de sa finitude. Ainsi la question posée par l’article, The limits to human lifespan must be respected, http://www.nature.com/news/the-limits-to-human-lifespan-must-be-respected-1.20728?WT.ec_id=NATURE-20161006&spMailingID=52464950&spUserID=MTUyNTcxOTczMTcwS0&spJobID=1020921868&spReportId=MTAyMDkyMTg2OAS2) concerne-t-elle la façon d’envisager les limites de la vie humaine : respect ou transgression ? Que la durée de vie, longévité continue d’augmenter et ce dans de meilleures conditions est le fait d’actions externes, c’est l’espérance de vie dont on voit bien qu’elle est fonction de nombreux facteurs, pays, sexe, rang sociétal …, mais sans toucher à l’horloge naturelle. Si les facteurs environnementaux sont multiples, les facteurs internes sont loin d’être tous répertoriés. On parle volontiers du raccourcissement des télomères et du rôle que pourrait tenir l’enzyme télomérase comme une clef qui ouvrirait la porte vers une prolongation de la durée de vie. Mais c’est là que se posent plusieurs questions : est-il possible et licite d’augmenter indéfiniment et quels en seront les effets collatéraux ? Ces derniers seront certainement d’importance essentiellement en ce qui concerne le rapport entre les besoins de la population humaine et ce qui pourra lui être offert. Mais en ce qui concerne la première partie de la question, qui a jamais établi l’âge butoir à la longévité de l’homme. Les acquis auraient semblé bien improbables il y a quelques siècles et c’est déjà certainement la survenue d’individus exceptionnellement âgés pour leur époque qui explique le personnage de Mathusalem. On a donc déjà répondu à la première partie de la question ! En addendum, on pourra lire avec intérêt l’article, Study: Human Life Span Maxed Out (http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/47209/title/Study–Human-Life-Span-Maxed-Out/&utm_campaign=NEWSLETTER_TS_The-Scientist-Daily_2016&utm_source=hs_email&utm_medium=email&utm_content=35506671&_hsenc=p2ANqtz-8JaM3f-gSXmPUPs4yRjRX7lKsP8e9Q11lJqUCYgsAXEnxVvLXRBERVsubDBkijk17FpmlxSZfPdVix_1G8II_CN1TyvQ&_hsmi=35506671)
Anthropomorphisme et Zoomorphisme
vendredi, juillet 24th, 2015Anthropomorphisme : attribuer à des animaux ( des objets) des caractéristiques propres à l’homme, Zoomorphisme : utiliser les formes animales dans différents types de représentation. Pas si simple, les échanges entre l’animal et l’homme sont en train de prendre un cours particulier. Si l’homme ne change pas fondamentalement quand on lui a greffé des valves cardiaques d’origine porcine, ou posé du corail pour restructurer un os, que devient une souris à qui l’on a greffé des cellules gliales foetales d’origine humaine ? (When Does a Smarht Mouse Become Human? http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/43327/title/When-Does-a-Smart-Mouse-Become-Human-/). On peut arguer du fait que la valve appartient toujours à l’extériorité de l’individu, qu’il s’agit bel et bien toujours d’un non soi. Pour le corail, l’accaparation par les cellules osseuses d’un matériel osteoconducteur rend la distinction plus difficile. Elle le sera plus encore quand des cellules souches auront été cultivées sur un squelette de corail. C’est un pas de plus qui est franchi quand on entre dans le domaine des manipulations génétiques puisqu’elles autorisent la mise en place d’un nouveau soi. La question est donc de savoir quelles sont les caractéristiques qui permettent de définir l’humanité par rapport à l’animalité. Les avis sont nombreux et plus anciens les uns que les autres, voire également plus humoristiques les uns que les autres, mais il n’existe encore aujourd’hui aucune réponse satisfaisante. L’homme serait le seul à avoir conscience de sa finitude et il est vrai que la conduite de l’animal n’invite pas à penser qu’il possède cette conscience, mais l’argument reste fragile ! L’homme réparé et l’animal préparé participent à un drôle de mélange des genres !! L’un fait un pas vers l’autre et inversement, de telle sorte que dans peu de temps (certainement !) il faudra bien qu’ils se comprennent de nouveau comme dans les temps mythiques !