Avant que d’être une discipline scientifique sous les auspices de Ferdinand de Saussure, des ressemblances plus ou moins évidentes entre les langues avaient initié des recherches de parentés. Au XVIIème siècle, un proto linguiste venu du Nord, répondant au doux nom de Marc Zuer van Boxhorn, avait soupçonné l’existence d‘une ancienne langue commune aux langues néerlandaise, grecque, latine, perse, germanique, slave, celte et balte, à laquelle il avait attribué le qualificatif de scythique. Il avait été lui-même précédé par un compatriote, un certain Iustus Lipsius qui avait déjà détecté des similitudes entre le persan et le flamand, ce qui peut sembler loin d’être évident à un non averti ! Un siècle plus tard, des linguistes à la vue tout aussi perçante percevaient des ressemblances entre les langues a priori aussi éloignées que le grec ancien, le latin et le sanscrit ! Que le grec ancien, le latin et plusieurs langues européennes partagent une communauté d’origine est une évidence, c’est l’antériorité qui posait problème. La génétique plus « scientifique » que la linguistique peut aujourd’hui apporter sa pierre à l’édifice (The origin of Indo-European languages). Si l’omniprésence des langues indo européennes était admise depuis au moins deux cents ans, c’est son point de départ qui prêtait encore à discussion. La génétique des populations (l’étude de la distribution et des changements de la fréquence des versions d’un gène) est un outil particulièrement performant : elle permet de définir les ascendances et de tracer les voies migratoires des populations étudiées. C’est ainsi que l’Anatolie est en passe de se voir dépossédée de sa primauté dans l’origine des langues indo européennes au profit du Caucase et de la Basse Volga. Si la guerre qui sévit dans ces zones a des effets délétères sans comparaison avec l’arrêt des recherches sur les origines des langues indo européennes, cette dernière n’en constitue pas moins une conséquence certes mineure mais néanmoins réelle qui s’intègre dans le vaste champ des dégâts inhérents aux conflits armés.
