Archive for octobre, 2018

Action dite à double effet

mardi, octobre 30th, 2018

Philippa Foot en 1967, avait-elle imaginé proposer le dilemme qui l’a rendue célèbre  directement à un engin auto mobile quand le choix appartenait à l’époque au conducteur du dit véhicule alors seulement mobile (The Problem of Abortion and the Doctrine of the Double Effect, in Virtues and Vices, Oxford: Basil Blackwell, 1978 originally appeared in the Oxford Review, Number 5, 1967). Cette question est en fait plus ancienne que ne le laisse supposer le dilemme du tramway (à noter que de nombreuses variantes en sont possibles). En réalité, la question a été posée il y a bien plus longtemps puisque Tomas d’Aquin s’était déjà penché sur le problème de l’action dite à double effet : peut-on choisir une action comportant à la fois de bons et de mauvais effets et ce dans quelles circonstances ? Toujours d’actualité, la question s’est déjà posée aux concepteurs de la voiture sans chauffeur (Self-driving car dilemmas reveal that moral choices are not universal, https://www.nature.com/articles/d41586-018-07135-0?utm_source=briefing-dy&utm_medium=email&utm_campaign=briefing&utm_content=20181025). En vue de répondre à la machine placée en mode interrogation, une plateforme dénommée Moral Machine a déjà vu le jour et il se pourrait que sa  tâche relève de l’impossible quand on se réfère à cette partie du titre de l’article sus cité : les choix moraux ne sont pas universels ! Loin de Kant et de son impératif catégorique comment gérer cette constatation  que des  choix qui s’inscrivent dans le champ de la morale subissent des variations selon les pays et donc les cultures et leur histoire ! Serait-on en face de la démonstration qu’il n’existe pas une humanité, que l‘humanité est un vain mot, une idée pieuse, voire une idée creuse  ? Peut-on se satisfaire de la remarque selon laquelle les situations proposées ont peu de chances de survenir d’où la faible probabilité que la machine se trouve confrontée à l’une d’entre elles. Quoiqu’il en soit, on relèvera toujours l’existence de deux versants, l’un en amont l’autre en aval dans l’action morale : ses motivations et des conséquences , les premières devant être indépendantes des secondes.

Mirabile factu

mercredi, octobre 24th, 2018

La question n’est pas de savoir si l’on y croit mais plutôt de savoir s’étonner devant un état de fait contre lequel il risque d’être difficile de s’opposer à moins que de trouver plus de désavantages que d’avantages à la situation. De quoi s’agit-il donc ? Comme le décrit l’article Biohackers Are Implanting Everything From Magnets to Sex Toys (https://www.bloomberg.com/news/articles/2018-10-19/biohackers-are-implanting-everything-from-magnets-to-sex-toys). Quand on choisit d’ignorer les bienfais des sex toys sous contrôle bio ionique il reste néanmoins suffisamment d’autres domaines d’utilisation à explorer. Progressivement l’appareillage réparateur a envahi l’humanité et si l'”Homme qui valait trois milliards” (d’après le roman Cyborg, 1972) n’est pas encore abouti, il est en voie de réalisation. Les implants sont maintenant légion et il ne viendrait à l’idée de personne de s’élever contre la pose d’une valve cardiaque artificielle, d’une lentille torique à la place d’un cristallin. Si l’implantation cochléaire précoce chez le jeune enfant a posé lui plus de questions que dire des implants que présente l’article sus cité. Armé de cette application bio technologique, point n’est besoin de clef pour ouvrir sa porte, plus n’est besoin de carte vitale, et chaque compte bancaire est devenu partie intégrante de son propriétaire.  Ainsi le cyborg n’appartient-il plus à la science fiction. Si les exemples précédents peuvent faire sourire c’est en raison d’une exploitation mercantile des applications des nanotechnologies. C’est le choix d’une course aux profits qui occulte le versant positif de toutes les possibilités offertes par ce champ de recherche. Ainsi quelles seraient les critiques que l’on pourrait faire à la nanotechnologie appliquée à la santé dans le diagnostic tout autant que la thérapeutique. Tel Ulysse qui se fit attacher au mât de son navire et rendit ses marins temporairement sourds, il faut se souvenir que le chant des sirènes  n’est qu’une “offre en apparence séduisante, mais pouvant se retourner contre celui qui l’accepte“.

“Voyage au centre de la terre”

jeudi, octobre 18th, 2018

L’édition originale de l’œuvre de Jules Verne, Voyage au centre de la terre par Pierre Jules Hetzel , parait le 25 novembre 1864 en un volume in-18. La traduction d’un message codé par un professeur de minéralogie aidé de son neveu, va conduire les deux aventuriers à découvrir pour le parcourir un monde souterrain inconnu. Jules Verne fut coutumier du fait puisque l’éditeur créa à son propos la collection des Voyages extraordinaires dont les versions de luxe se paraient de gravures en noir et blanc, œuvres d’artistes différents. Cent cinquante quatre ans plus tard, l’homme continue d’explorer les mondes qui lui sont inconnus qu’ils soient souterrains ou célestes. En témoignent : Life Thrives Within the Earth’s Crust (https://www.the-scientist.com/features/life-thrives-within-the-earths-crust-64805) augmentée d’une Video: How Deep Have We Drilled? (https://www.the-scientist.com/multimedia/video–how-deep-have-we-drilled–64884). Quarante ans plus tôt, Champollion s’était illustré en publiant  son Précis du système hiéroglyphique des anciens Égyptiens et il n’est pas impossible que le parchemin codé initial n’en soit une réminiscence mais l’œuvre de Jules Vernes s’inscrit totalement dans ce XIX° siècle féru des beautés de la science et de la grandeur de ceux qui la pratiquent, à la base du développement du positivisme philosophique.  Mais faut-il s’en réjouir ou le déplorer, fondamentalement la quête reste  la même au fil des âges : l’origine de la vie et de ses multiples expressions. Si l’on sait que certains voyages imaginés ne sont pas (encore/jamais ?) possibles, la technicité en autorise d’autres tout aussi instructifs et l’on aurait envie de s’imaginer plus proche de l’extrémité du tunnel.

Pour laver plus blanc que blanc

mercredi, octobre 10th, 2018

Si la détection de la fraude scientifique a pris une importance considérable on ne peut pourtant pas, en théorie, s’en offusquer. Un récent article soulève pourtant plusieurs questions à son propos (Fourberie des cookies, c’est pas du gâteau !, https://www.jim.fr/medecin/jimplus/e-docs/fourberie_des_cookies_cest_pas_du_gateau__174041/document_jim_plus.phtml). En ce qui concerne les publications dans le domaine scientifique on reconnaît aujourd’hui plusieurs types d’inconduites. Il peut s’agir  de falsification,  de fabrication ou de plagiat de données mais en aucun cas de ce que l’on qualifie d’erreurs scientifiques car si ces dernières sont légions elles sont aussi indispensables à la culture de la science et sont largement prises en compte dans l’épistémologie scientifique. Les demandes et obtentions de rétractation sont devenues une épreuve sportive très courue, donnant lieu à leur tour à publications comme en témoignent quelques exemples  parmi les plus récents : The Top 10 Retractions of 2015 (https://www.the-scientist.com/news-opinion/the-top-10-retractions-of-2015-34319), Top 10 Retractions of 2016 (https://www.the-scientist.com/news-opinion/top-10-retractions-of-2016-32329) Top 10 Retractions of 2017 (https://www.the-scientist.com/research-round-up/top-10-retractions-of-2017-29834), le Top 10 2018 étant très vraisemblablement en cours de rédaction. Quand on reprend les falsifications stricto sensu, une revue systématique de 2009 et une méta-analyse des données d’enquêtes ont révélé qu’environ 2% des scientifiques avaient admis avoir falsifié, fabriqué ou modifié des données au moins une fois. Le cas de l’auteur du blog Perruche met en cause le logiciel de détection du plagiat. Depuis une petite dizaine d’années, ces outils se multiplient et leur comparaison devient dès lors possible. Qu’ils soient anglophones ou francophones selon leurs zones d’exploitation il sont basés sur un processus de comparaison d’une (de) référence(s) stockée(s) parmi les bases de données des développeurs, ce qui constitue déjà une certaine limitation. Si la connaissance par l’intéressé de son utilisation a entrainé des améliorations, elle lui a aussi donné envie de contourner l’obstacle. Mais ce qui courrouce particulièrement ce responsable du travail censuré et rejeté c’est l’emploi d’une intelligence artificielle, IA,  manifestement non intelligente, IANI. Pourquoi alors, ne pas imaginer opérer en deux temps : en première ligne une IA en deuxième ligne une IH (intelligence humaine) qui vient nuancer la première pour la valider, une IAA (intelligence artificielle augmentée) en quelque sorte ! Comme l’a écrit si bien Le Monde de l’Education (https://www.lemonde.fr/education/article/2014/03/12/universites-les-limites-des-logiciels-contre-la-fraude_4381590_1473685.html), le logiciel ne doit être considéré que comme un surligneur.

 

 

 

 

Connaissance et conscience

mercredi, octobre 3rd, 2018

D’un côté : “L’homme a naturellement la passion de connaître; et la preuve que ce penchant existe en nous tous, c’est le plaisir que nous prenons aux perceptions des sens.” Métaphysique d’Aristote, Livre premier, Chapitre Premier, de l’autre ” « De tous les arbres du jardin tu peux manger. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement » (Genèse 2,16). Il se trouve aujourd’hui  que les avancées de la technique sont telles qu’elles remettent l’homme devant ce choix que l’on peut qualifier de cornélien comme peut l’être un dilemme entre raison et passion. C’est dans ce sens qu’il faut lire l’éditorial  Genes and Blues (https://www.the-scientist.com/editorial/genes-and-blues-64824?utm_campaign=TS_DAILY%20NEWSLETTER_2018&utm_source=hs_email&utm_medium=email&utm_content=66358907&_hsenc=p2ANqtz-986CU1-rfpUPyLLdCTV35sXsmUj5RLI8BlaWlF2DbMkDTDupJtb2pFH4NuiEsIdeRH3z102ZV6oPnJGnGVMFAJFi7EWA&_hsmi=66358907) de la revue The Scientist de ce mois d’Octobre. Faut-il savoir pour agir ou savoir pour réfléchir ? Peut-on agir sans réfléchir ? Si à la deuxième question la réponse est OUI sans nul conteste, à la première la réponse rejoint le dilemme précédemment évoqué. Si l’auteur a choisi un exemple, il n’en reste pas moins vrai que la connaissance pose plus de questions qu’elle n’en résout ce qui laisse à penser que la connaissance peut être un des moteurs de la conscience avec ce point positif : le choix qui s’en suit devient alors le reflet de la liberté de l’homme.