Si le passage de l’oralité à la scripturalité a été largement investigué, l’apparition de la parole chez l’homme est un sujet particulièrement pauvre en données exploitables. Dans ce domaine les spéculations vont bon train. Rousseau avait quant à lui une théorie selon laquelle la parole est apparue après ce qu’il nommait “le cri de nature”, quand l’homme a rencontré l’homme, quand il devenait indispensable de comprendre son voisin autrement que par une gestuelle corporelle. Une deuxième étape dans ce processus de la parole se reproduit avec le nouveau né qui doit acquérir une expression orale compréhensible. Des théories modernes supposent que le babillement comparable à celui des oiseaux, signe la naissance du langage chez le petit d’homme. Outre les questions portées par l’apparition du langage, il en existe d’autres en particulier celles qui s’inscrivent dans le domaine de la linguistique. Même s’il s’agit d’une science descriptive elle n’est pas exempte d’interrogations. Et cerise sur le gâteau un article récent How grammar influences perception, pointe du doigt une nouvelle facette, l’exploration, les rapports entre la langue et la perception. C’est assez dire que l’on aborde un champ encore plus complexe puisque de la perception à la parole primitive on passe de la parole à la perception seconde ! On sait déjà qu’il existe une cinquantaine de mots pour parler de la neige chez les inuits, la neige qui tombe n’étant pas celle qui va tomber, il ne s’agit donc pas de la même neige et il n’est pas inexact de la nommer différemment ! Mais il s’agit encore dans l’article sus cité d’un autre aspect, à savoir l’influence de la grammaire sur la perception de celui/ceux qui utilise(nt) la dite grammaire. La question de fond étant de savoir si tous les hommes perçoivent le monde de la même façon ! En fait ce qui semble se détacher des enquêtes menées à partir des langages australiens indigènes (cf l’article cité) c’est l’existence de nombreuses boucles rétroactives liant pour le meilleur, la langue, la culture, le savoir. Ainsi serait-il illusoire de vouloir envisager séparément ce tout qui pourrait définir l’humanité.
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Le locuteur et le linguiste
mercredi, octobre 25th, 2023La bibliothèque invisible !
lundi, octobre 16th, 2023Pline l’Ancien commandait la flotte romaine à Misène lorsqu’il fut témoin de l’éruption du Vésuve en l’an 79 apr. J.-C. Il vogua alors pour porter secours à la population mais décéda sans que l’on connaisse exactement les conditions dans lesquelles il perdit la vie. Déjà connu pour ses qualités d’écrivain le personnage s’inscrit également, bien que de façon indirecte, dans cet épisode en suivant un chemin assez tortueux. Pline l’Ancien était un naturaliste compétent auteur d’ une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle. Il y décrivit entre autres, plusieurs types de gastéropodes marins très appréciés des Romains puisqu’ils étaient utilisés pour la teinture de leurs toges dont chacun connait la teinte pourpre. Le Bolinus brandarisfut, objet de ses propos, proche de Hexaplex trunculus également connu sous le nom de murex trunculus. Pour en revenir à l’éruption du Vésuve, si celle-ci réduisit en cendres les villes de Pompéi et d’Herculanum, elle ensevelit sous les éjectas volcaniques habitants et habitations parmi lesquelles des bibliothèques renfermant des centaines de manuscrits. Devenus illisibles parce que carbonisés et donc “indépliables” les rouleaux semblaient narguer les chercheurs. Cette étape a été franchie First glimpse inside burnt Roman scrolls et le résultat donne le frisson a d’innombrables amoureux des textes de l’antiquité gréco-romaine. Pour ce faire il faut trouver “les zones de papyrus recouvertes d’encre”, “numériser”, “mettre en commun les informations”, appliquer “l’ALGORYTHME“. C’est alors qu’apparait le mot magique “πορφύρας,”,violet, dont il a été question plus haut. Ce mot ou un autre, ce n’est pas l’affaire …, le merveilleux tient à la possibilité de “lire” l’illisible. Grâce en soit rendue à la technique et à l’envie des passionnés de textes anciens de se lancer des défis !
Fausse image
dimanche, octobre 1st, 2023Définition du Littré pour image : “Ce qui imite, ce qui ressemble, ressemblance (sens propre du latin imago)”. Comment qualifier alors l’image du Pape François, vêtu d’une élégante doudoune blanche, ayant enchanté dernièrement les réseaux sociaux ? Chercher l’erreur est une démarche difficile puisqu’il faut envisager deux façons d’aborder l’image. Puisqu’elle est “imitation, ressemblance”, elle n’est pas fausse et pourtant dans le même temps, elle l’est. Il s’agit bien du Pape François et rien n’interdit qu’il ait pu porter le vêtement incriminé. De nombreuses œuvres d’art représentent des personnages dont l’existence est prouvée mais dont les représentations ont été modifiées par l’artiste sans que l’on crie au scandale, sans que l’on aborde le thème de l’information mensongère. De même existe-t-il des pastiches célèbres dont on saisit fort bien qu’il s’agit “d’une imitation du style d’un auteur ou artiste, mais qui ne vise pas le plagiat”. Il y a donc dans l’image susdite une intention absente des deux exemples cités, celle de tromper volontairement. Aujourd’hui les outils techniques sont à ce point performants que toute image, tout discours, demande à être “testé”. La société se penche donc sur les moyens qui lui permettront de déjouer la tromperie, et il en existe. Mais comme le fait remarquer l’article “How to stop AI deepfakes from sinking society — and science“, la question à laquelle il faudrait pouvoir répondre n’est pas “comment” mais “pourquoi“. Car il s’agit bel et bien là, d’un double symptôme sociétal : la volonté de nuire du côté de l’auteur qui repose sur l’absence d’esprit critique de la part de celui auquel il s’adresse. En cause, l’absence de toute notion d’éthique, aussi bien de responsabilité que de conviction de la part du premier et la méconnaissance de la gestion de la temporalité pour le second. Les outils de détection pour déjouer la falsification ne résoudront pas les insuffisances dont souffre la société actuelle.