Posts Tagged ‘conscience’

Un sujet de controverse

lundi, septembre 25th, 2023

En 2004, Giulio Tononi propose une théorie mathématique de la conscience sous le nom de théorie de l’information intégrée (ITT). Nul n’ignore que « la conscience reste l’un des plus grands mystères de la science » dont la nature « insaisissable » a « suscité de nombreuses théories et débats« . A l’heure de l’intelligence artificielle (IA) la question se trouve non seulement sous les projecteurs mais elle se greffe sur cette autre que pose l’état de conscience ou non des animaux d’expérimentation comme les pieuvres dépourvues de cerveau anatomiquement défini. « L’ITT suggère que la conscience émane d’un système qui génère plus d’informations en tant qu’ensemble intégré que la somme de ses parties. La mesure clé de l’IIT est appelée Φ (phi), une mesure de l’information intégrée dans un système. En termes simples, elle quantifie l’information qui est générée par l’ensemble du système, au-delà de ce qui est produit par ses parties individuelles. Plus le phi est élevé, plus le système est considéré comme conscient ». Pourtant l’ITT ne constitue pas à elle seule l’explication de ce qu’est la conscience et plus grave la théorie est aujourd’hui battue en brèche voire même réfutée jusqu’à être qualifiée de « non scientifique ». Il faudrait donc en revenir à Karl Popper, spécialiste en la matière, selon lequel « le critère de la scientificité d’une théorie réside dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou encore de la tester » (Conjectures et réfutations, La croissance du savoir scientifique, pp. 64-65). Les critères retenus dans l’article pour juger de la scientificité de la théorie ITT font appel au procédé d’imagerie retenu, mais il n’est aucunement question de tester la théorie en s’appuyant sur « des expériences cruciales » toujours selon Popper. Peut-être la problème est-il mal abordé et les arguments non appropriés (Consciousness theory ‘is pseudoscience’)?

Mission spatiale

mardi, juin 6th, 2023

Nombreuses sont les oeuvres imaginant les voyages extra terrestres humains avant que ceux-ci ne deviennent réalité. Lucien de Samosate au deuxième siècle ap. J.-C voyage dans l’espace dans un bateau que meut une violente tempête, Cyrano de Bergerac au XVII ème siècle utilise la rosée, et le bateau à moins que ce ne soit un boulet de canon, sert un siècle plus tard au baron de Münchhausen. Plus proche de la réalité du XX ème siècle, Jules Vernes met en scène une fusée que Méliès plante dans l’oeil de l’astre d’argent. Le premier vol habité date de 1957 et la chienne Laïka en profite pour décéder dans l’espace. Puis c’est le chimpanzé Ham qui précéde l’homme de seulement quelques mois. Aujourd’hui, la conquête de l’espace est confiée à un nouvel « organisme vivant » , un organoïde cérébral (Time Traveling Mini-Brains on a Mission to Conquer Space). Peu encombrant, assez peu prolixe sur ses impressions de voyage, il devrait pourtant être riche d’enseignements. Parce que le voyage spatial entraine un vieillissement accéléré des cellules de l’organoïde, elle servent à étudier les effets de la microgravité en l’absence de toute manipulation génétique. En fait, l’idée est d’utiliser les voyages spatiaux comme incubateurs de vieillissement ! L’homme a en effet un trop long cycle de vie pour pouvoir être étudié sur plusieurs générations comme la mouche ou la souris ! Néanmoins, ces organoïdes cérébraux, deviennent de plus en plus « élaborés » : ils peuvent fournir des ondes cérébrales et percevoir des stimuli, visuels en particulier ! Et donc se pose le problème de l’existence de leur « possible » conscience ! Pour l’Académie de Médecine (16 mai 2023) « les activités cellulaires observées dans ces organoïdes cérébraux ne peuvent être assimilées aux processus cognitifs, sensoriels ou moteurs propres au cerveau humain ». Il n’est donc pas utile de leur demander leur avis avant de les envoyer sur Mars !

Mais pas que …

dimanche, novembre 21st, 2021
🤓 L'intelligence du Blob (Partie 1) - Bioinspi | Podcast avec Acast

Le blob, organisme unicellulaire ni animal ni végétal, pourrait aisément passer pour une entité pensante dès qu’on lui attribue quelques qualités en usant du vocabulaire anthropomorphe dont raffole cette société qui l’admire. Ainsi est-il capable d’apprendre et de transmettre ses connaissances à d’autres blobs voisins ! Et pourtant personne n’ignore qu’il est dépourvu du moindre gramme de cerveau. De là à imaginer que le cerveau n’est en rien indispensable à tout le moins pour apprendre et transmettre il n’y a qu’un petit pas. Mais que serait ce cerveau livré à lui-même, dépourvu de ses connexions, de toutes ces liaisons avec l’extérieur tout autant qu’avec l’intérieur, émettrices tout autant que réceptrices ? De ce fait qualifié par certains de Boîte noire, cet organe reste un mystère aux confins de la morphologie macroscopique et microscopique, de la biochimie et de la biologie moléculaire, tout autant que de l’imagerie. Or le blob est capable de certaines des fonctions qu’on lui attribue, ce qui pose la question de savoir si le cerveau doit toujours être considéré comme l’indispensable TOUT. Le livre d’Antonio Damasio,Feeling & knowing: Making minds conscious dont il est fait un court rapport (Being, Feeling, and Knowing: Our Path to Consciousness) devrait apporter quelques éléments de réflexion dans la mesure où sans démystifier l’organe en tant que tel, il le replace dans une dimension spatio-temporelle qui peut expliquer l’acquisition depuis la simple conscience d’être à la connaissance. L’être nait à la conscience qu’il est, et acquiert la faculté d’envisager son intériorité dans l’extériorité de son environnement. Dès lors les termes utilisés pour les qualités du blob, apprentissage et de transmission, ne devraient-ils pas être accompagnés de certaines précisions ?

Agents moraux artificiels

lundi, décembre 21st, 2020
https://www.philomag.com/sites/default/files/styles/newsarticle1x1/public/images/web-machine-niv-3.jpg
  1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger, 2 : Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi : 3) Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi. Il s’agit là des trois lois de la robotique selon I. Asimov. En 1942, tous les robots à cerveau « positronique « se doivent d’obéir impérativement à ces principes qui s’apparentent à une conscience en fait assez proche de celle des humains. Aujourd’hui certains se posent la question de savoir s’il n’existe pas un biais de recrutement à visée thérapeutique en raison de l’utilisation d’algorithmes. Ce biais se traduit par un choix défavorisant la population noire au regard d’une donnée biologique affectée d’un « facteur de correction basé sur la race » (Is a racially-biased algorithm delaying health care for one million Black people?, https://www.nature.com/articles/d41586-020-03419-6) . Et c’est alors qu’intervient le concept d’algorithme équitable (What Does a Fair Algorithm Actually Look Like?, https://www.wired.com/story/what-does-a-fair-algorithm-look-like/). Or l’algorithme, un des piliers de l’intelligence artificielle, a pour finalité un acte décisionnel qui doit être le plus juste, voire plus juste que celui qu’un homme pourrait prendre. Une éthique de l’intelligence artificielle a donc vu le jour : elle doit répondre à des agents moraux artificiels en fonction des quels la machine deviendrait responsable mais comment ?

Conscience n’est pas science !

jeudi, juillet 11th, 2019

Que le monde végétal ait les moyens de réagir à l’environnement, rien ne semple plus raisonnable : une plante vit et meurt et entre ces deux extrémités elle devra se nourrir et se reproduire quelques soit la forme adoptée par son genre et son espèce. Depuis peu le biologiste et plus particulièrement le neurobiologiste s’est emparé du monde végétal pour tenter de gommer les différences avec le monde animal en démontrant que le premier possédait un système sensoriel qui n’avait rien à envier à celui du second (Plant neurobiology: an integrated view of plant signaling, https://www.cell.com/trends/plant-science/fulltext/S1360-1385(06)00164-6?_returnURL=https%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS1360138506001646%3Fshowall%3Dtrue). Si la publication Botanists Say Plants Are Not Conscious (https://www.the-scientist.com/news-opinion/botanists-say-plants-are-not-conscious-66101?utm_campaign=TS_DAILY%20NEWSLETTER_2019&utm_source=hs_email&utm_medium=email&utm_content=74415223&_hsenc=p2ANqtz-9lwMY9m387qk6phbJ-pY5P3wsx-l_Frrw8P4ZCankIn9EZFcJ_8ur_rU_SoioAiKwzPVpj_seAnYbDozIvtKOky7hMWQ&_hsmi=74415223), ainsi que Don’t Waste Your Emotions on Plants, They Have No Feelings, Grumpy Scientists Say (https://www.livescience.com/65905-plants-dont-think-or-feel.html?utm_source=ls-newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=20190710-ls)  apportent un démenti « formel » à la thèse précédente, elle s’inscrit aussi dans une discussion actuelle. Si l’on en croit l’article Sociology’s Sacred Victims and the Politics of Knowledge: Moral Foundations Theory and Disciplinary Controversies (https://link.springer.com/article/10.1007/s12108-018-9381-5)  il existerait dans le domaine de la sociologie de supposés préjugés idéologiques influant en terme de justice sociale. Bien qu’il s’agisse d’un domaine complètement différent de celui que traitent les neurobiologistes végétaux, on a tout lieu d’être inquiet sur l’impartialité d’une société dont le maitre mot du politiquement correct est de sauver le monde de ses prédateurs. Et donc il deviendrait impératif que la conscience de la plante comme celle de l’animal soit là pour se rappeler à la conscience de l’homme !

Où doit-on s’arrêter ?

mercredi, novembre 21st, 2018

Deux articles à lire, à relire, re-relire puis à méditer pour bien comprendre de quoi il retourne ! Il faut néanmoins respecter un certain ordre. C’est la raison pour laquelle on commencera avec profit par : How biologists are creating life-like cells from scratch (https://www.nature.com/articles/d41586-018-07289-x?utm_source=briefing-dy&utm_medium=email&utm_campaign=briefing&utm_content=20181108). Pour faire une cellule il est indispensable de maîtriser au moins quatre conditions essentielles que l’on serait en droit de qualifier de vitales (sans jeu de mots) : la compartimentation, le métabolisme, le stockage et la gestion des informations. Cet ensemble repose sur les qualités exceptionnelles de structures  qui n’ont pas fini d’étonner biologistes, chimistes et physiciens, les membranes. Comme on le sait depuis longtemps il est plus facile de défaire que de refaire, mais on se dit que le but ne doit pas être si éloigné quand on en est à se demander si quatre cent soixante treize gènes est le bon nombre pour que « ça marche ». Plusieurs étapes franchies allègrement et l’on est en mesure d’aborder le second article : Lab-grown ‘mini brains’ produce electrical patterns that resemble those of premature babies (https://www.nature.com/articles/d41586-018-07402-0?utm_source=briefing-dy&utm_medium=email&utm_campaign=briefing&utm_content=20181116). La technique est autre mais pas moins sujette à question à propos des ondes que l’organoïde cérébral génère. Après ces deux lectures, deux questions s’imposent : la cellule synthétique appartiendra-t-elle au monde vivant quand elle fera montre d’adaptativité, l’organoïde cérébral sera-il en mesure d’évoluer vers la conscience ?

Connaissance et conscience

mercredi, octobre 3rd, 2018

D’un côté : « L’homme a naturellement la passion de connaître; et la preuve que ce penchant existe en nous tous, c’est le plaisir que nous prenons aux perceptions des sens. » Métaphysique d’Aristote, Livre premier, Chapitre Premier, de l’autre  » « De tous les arbres du jardin tu peux manger. Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement » (Genèse 2,16). Il se trouve aujourd’hui  que les avancées de la technique sont telles qu’elles remettent l’homme devant ce choix que l’on peut qualifier de cornélien comme peut l’être un dilemme entre raison et passion. C’est dans ce sens qu’il faut lire l’éditorial  Genes and Blues (https://www.the-scientist.com/editorial/genes-and-blues-64824?utm_campaign=TS_DAILY%20NEWSLETTER_2018&utm_source=hs_email&utm_medium=email&utm_content=66358907&_hsenc=p2ANqtz-986CU1-rfpUPyLLdCTV35sXsmUj5RLI8BlaWlF2DbMkDTDupJtb2pFH4NuiEsIdeRH3z102ZV6oPnJGnGVMFAJFi7EWA&_hsmi=66358907) de la revue The Scientist de ce mois d’Octobre. Faut-il savoir pour agir ou savoir pour réfléchir ? Peut-on agir sans réfléchir ? Si à la deuxième question la réponse est OUI sans nul conteste, à la première la réponse rejoint le dilemme précédemment évoqué. Si l’auteur a choisi un exemple, il n’en reste pas moins vrai que la connaissance pose plus de questions qu’elle n’en résout ce qui laisse à penser que la connaissance peut être un des moteurs de la conscience avec ce point positif : le choix qui s’en suit devient alors le reflet de la liberté de l’homme.

« Ils ont des yeux et ne voient point »

lundi, octobre 2nd, 2017

Regarder sans voir ou voir sans regarder ? Là est la question. Aujourd’hui un neurone vient s’intercaler dans ce processus pour expliquer que l’on pourrait voir sans voir  ! On pourrait en effet voir sans être conscient que l’on voit ce qui est l’opposé de regarder sans voir mais pourrait se rapprocher de voir sans regarder ! Dans l’article Your Brain Sees Faces, Even When You Don’t (https://www.livescience.com/60477-your-brain-sees-faces-even-when-you-dont.html?utm_source=ls-newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=20170922-ls) les auteurs cherchent à montrer qu’ un neurone pourrait être mis en corrélation avec le phénomène de la conscience. Ces cellules qui s’illuminent par le biais d’une image spécifique se localisent dans une zone qui n’était pas connue comme impliquée dans les processus de conscience et de perception. De là à imaginer que l’on va pouvoir mettre le doigt sur le rapport entre perception et mémoire il n’y a qu’un pas (de géant!). Que disait H. Bergson quand il parle du sensible et de son corps ?  Il existe deux systèmes d’images : « l’un appartient à la science, chaque image n’est rapportée qu’à elle même et garde valeur d’absolu, l’autre qui est dans le monde de la conscience où toutes les images se règlent sur une image centrale, notre corps » (Matière et Mémoire, 1939) et deviennent de ce fait relatives. Pour lui qui s’intéressa aux schémas élaborés par les différents neurologues tout au cours du XIX° siècle et qui prédisaient « …qu’il n’y a pas, il ne peut y avoir dans le cerveau une région où les souvenirs se figent et s’accumulent » (Matière et Mémoire) une vrai remise à niveau va devoir être engagée ! Mais surtout il est évident que l’homme ne peut s’empêcher de continuer à découper l’homme en menus morceaux pour qu’à un élément matériel ne corresponde qu’un seul élément immatériel ! Ce serait si simple !

Un peu excessif !

mardi, juillet 8th, 2014

enquete-terrainS’agit-il vraiment d’un pas de plus-en avant à propos de cet endroit magique qu’est la conscience, celui que scientifiques aussi bien que philosophes cherchent, pour les premiers à localiser pendant que  les seconds aimeraient bien définir exactement ce que ce terme recouvre. Le cerveau est une telle machine, que l’homme a toujours cherché à y dessiner les aires impliquées dans ses différentes activités en allant des plus simples aux plus complexes et c’est bien à cette dernière catégorie qu’appartient la conscience et dont parle l’article » Consciousness on-off switch discovered deep in brain » (http://www.newscientist.com/article/mg22329762.700-consciousness-onoff-switch-discovered-deep-in-brain.html?full=true#.U7q-ol3lpYc). Il est certes intéressant de montrer du doigt une structure particulière, le claustrum, pour ne pas le nommer, comme étant le lieu où la conscience pourrait se faire jour. Il s’agit d’une fine lame de substance grise, située entre la capsule extrême et la capsule externe,   faisant ou non partie, selon les auteurs, du système des corps striés. Cette structure est déjà rapportée comme servant de relais entre les régions corticales dans l’ouvrage  » Psychopathologie et Neurosciences » au chapitre 2 traitant de la neurophysiologie clinique et au chapitre  7 traitant des processus intégratifs (De Boeck Supérieur, 2008) Mais en ce qui concerne le présent article, le résultat présenté provient d’une seule et unique expérimentation. On a connu mieux comme échantillon ! Par ailleurs, le sujet n’est pas à proprement parler un sujet représentatif de la population en général, dans la mesure où il souffre d’épilepsie, ce qui on en conviendra, laisse planer un doute sur la reproductibilité, sans parler de l’absence partielle d’une autre structure, non moins importante l’hippocampe ! Si l’on est en droit de se poser des questions sur la fiabilité d’un résultat obtenu à partir d’un seul test, on doit également faire un arrêt sur le choix du terme utilisé.  Considérer la conscience comme un chef d’orchestre est une façon restrictive de définir le terme, ne prenant en compte que l’état de perception qu’a le sujet vis à vis du monde sans que l’on sache exactement s’il s’agit de l’extériorité et/ou de l’intériorité du dit monde en excluant totalement toute notion d’éthique qui peut également lui être  rattachée. Beaucoup de bruit pour rien ?