Que les noms des différents récipiendaires des prix Nobel soient pour la plus part d’entre eux inconnus du public, n’est peut-être pas une raison suffisante pour ne pas discuter des deux dernières attributions. En effet, à y regarder de près l’IA semblerait bien être la gagnante, non pas encore toute catégorie, mais au moins dans deux disciplines, Physique et Chimie. Si les deux nominations concernent bel et bien des personnes physiques dont les noms ont été donnés, l’IA n’est pourtant pas absente et pour certains il devrait en être tenu compte. Quel est l’objet du débat ? La mise en concurrence de deux aspects de la recherche (AI wins two Nobels — sparking debate) : la théorie et la pratique dont il semble aujourd’hui que la séquence d’utilisation se soit inversée. L’hypothèse première, déterminant l’utilisation d’outils dédiés a été remplacée par l’utilisation première d’outils qui ne seront dédiés que secondairement en fonction des résultats qu’ils auront permis d’obtenir ! Ne serait-ce pas « mettre la charrue avant les bœufs ! » Il faut néanmoins reconnaître que cette nouvelle méthode de l’utilisation de l’IA n’est pas dénuée d’avantages et que même si le système enclanche de lui-même un auto processus réflexif et constructif, il repose bel et bien sur une démarche première dont l’humain n’est pas absent. Par ailleurs les recherches se révèlent être de plus en plus interdisciplinaires car il s’avère que la structure cause-conséquences n’est plus qu’exceptionnellement univoque. Enfin mais peut-être pas à la fin, l’IA peut donner à appréhender de façon plus large la réalité en permettant de comparer ce qu’elle est capable de construire et ce qui existe voire, pourrait exister. Ainsi l’intrusion de l’IA comme co-chercheuse n’exprime-t-elle que l’adéquation entre l’actualité sociétale et l’actualité scientifique.
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Et le Nobel est attribué à …
dimanche, octobre 13th, 2024IA vue par l’IA
vendredi, août 9th, 2024Si l’on scrute avec attention le rapport entre l’Homme et sa création, l’IA, le temps est venu de scruter l’IA et l’IA. Au commencement était l’homme qui alimentait l’IA, mais comme cette dernière peut également s’auto alimenter, l’homme en est venu à se demander ce qui se passait quand une IA parlait à une autre IA ? Consternation, puisque la réponse est : des absurdités ! AI fed AI-generated data spews nonsense. C’est ce que les scientifiques appellent l’effondrement des modèles. L’étude proposée par l’article porte essentiellement sur des modèles linguistiques qui nourrissent l’IA. Ce n’est pas tant la quantité totale d’informations fournie à la machine que la proportion de chaque donnée portée dans chaque apport. Ainsi une donnée peut-elle disparaitre parce qu’insuffisamment présente. Mais un mot par ce qu’il est courant peut à l’inverse être sur représenté. Ainsi par le jeu de surexpressions et sous expressions d’origine statistique, l’apport primitif devient alors tronqué ou gonflé lors de la deuxième étape, phénomène qui ne peut que s’amplifier au fur et à mesure. Mais ne s’agit-il pas en l’occurrence d’un processus normal d’accumulation d’erreurs successives ? Dans l’état des choses le traitement statistique du mot par la machine est incompatible avec la richesse de l’expression humaine qui sait donner par un seul mot le sens exact. Il est satisfaisant d’en prendre conscience pour apprendre mieux à la machine mais chaque enseignant sait combien il est difficile de se bien faire comprendre par ceux que l’on enseigne.
Qu’en penserait Isaac Asimov ?
jeudi, mai 30th, 2024Voici les lois de la robotique parues en 1942 « Première Loi : un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser sans assistance un être humain en danger. Deuxième Loi : un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf quand ces ordres sont incompatibles avec la Première Loi. Troisième Loi : un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’est pas incompatible avec la Première ou la Deuxième Loi. » Quatre vingt deux ans plus tard, deux articles invitent à se pencher sur la robotique du XXIème siècle. Car un des problèmes majeur est celui qui concerne la « confiance » que l’on peut ou non accorder, que l’on est en droit on non d’accorder à cette entité. La réponse pourrait sembler loin rien moins que simple à la lecture de ces deux articles parus presque simultanément : ‘Master of deception’: Current AI models already have the capacity to expertly manipulate and deceive humans, mais aussi, The AI revolution is coming to robots. Le premier présente des systèmes d’IA passés maitre dans la l’art de la tromperie, et ce même au niveau de jeux de société, ce qui laisse présager une incontestable capacité de nuisance. Le second au contraire insiste sur le versant positif de l’IA insufflée dans la robotique qui semble alors plus proche de celle conçue par Isaac Asimov. Néanmoins pour se faire une opinion, il ne devrait pourtant pas être impossible de se référer à la remarque selon laquelle « Ce que l’avenir nous réserve dépend de qui vous le demandez« . En effet l’IA (le robot) n’est pas moteur premier non mu tel que professé par Aristote mais but de la technique humaine telle que conçue par Heidegger.
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L’IA et le scientifique
lundi, mars 11th, 2024Peut-on établir une échelle dans l’inadéquation entre une technique et son application ? C’est une possibilité qui pourrait parfaitement avoir commencé dés la maitrise du feu. En effet depuis cette « époque » l’homme n’a cessé d’inventer et cette capacité le met en compétition avec la nature. Doit-il s’en rendre maitre, doit-il composer avec elle pour y trouver sa place ? Aujourd’hui le trouble est à son comble car se heurtent de plein fouet, un suprême outil de maitrise et une aspiration à un monde meilleur au sein d’une nature apaisée. Mais l’IA, puisqu’il s’agit bien d’elle, cache en son sein une capacité de tromperie dont son concepteur n’a pas encore pris la pleine mesure. Appliquant ce vertueux principe selon lequel tout idée de racisme doit être exclue, l’IA est parfaitement capable de générer des aberrations historiques qui défient l’imagination (https://www.numerama.com/tech/1635258-gemini-genere-des-images-de-nazis-noirs-google-panique.html). Dans la mesure où l’instantanéité a remplacé la réflexion, cette information prendra envol et consistance auprès des moins avertis. Mais elle est aussi capable de se manifester dans d’autres domaines qui, s’ils sont plus confidentiels n’en sont pas pour autant dénués d’une réelle importance (Why scientists trust AI too much — and what to do about it) puisque là aussi elle tout autant capable d’inventer, par exemple, de fausses expériences. Sans esprit de réflexion, sans application du doute constructif, celui qui interroge, l’outil serait à bannir. Car de même que Platon imaginait le livre comme un outil portant atteinte à la mémoire et altérant les facultés de compréhension de l’homme, de même l’IA pourrait-elle créer un enfer pour l’humanité. Il convient donc que les fées qui se penchent sur son berceau lui accordent la capacité de s’autocorriger dans les plus brefs délais
Savoir lire ses classiques
mercredi, février 14th, 2024Épicure, philosophe grec du IVème/IIIème siècle av. J.-C, acquit sa notoriété non pas tant par une lithiase vésicale qui lui fut fatale que par la théorie philosophique éponyme, l’épicurisme. Dire avec les épicuriens que « Le plaisir, .., est le principe et la fin de la vie heureuse (À Ménécée, 129) » c’est savoir pratiquer l’ataraxie, qui conduit à la sérénité par l’absence de troubles, volontairement recherchée. De cet auteur sont connues les « 81 Sentences vaticanes découvertes dans un manuscrit du Vatican » ainsi que les textes de son élève Lucrèce. A Herculanum gisaient des rouleaux de papyrus carbonisés lors de l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.-C témoins de la philosophie du maitre. Point n’est besoin d’insister sur la destruction inévitable des dits rouleaux à vouloir les consulter, mais la technique est là pour venir au secours de l’art (Essay on pleasure revealed in ancient scroll). La lecture devenue possible de ces rouleaux est d’autant plus extraordinaire qu’elle met en lumière deux caractéristiques humaines, son pouvoir de réflexion et son pouvoir technique l’un et l’autre redevables de sa capacité à la conceptualisation. La question de base reste néanmoins toujours la même et de ce fait d’actualité. Dans la mesure où la technique ne va pas sans l’esprit, quel fut le primum movens ? Que l’invention du feu ait été le fruit du hasard est presque une certitude, mais la réflexion à propos de son utilité et donc de son utilisation certainement pas ! Aujourd’hui où il est de bon ton de s’interroger sur les dangers de l’IA, il n’est pas inutile de rappeler que le marteau n’est dangereux que par l’intention que l’homme lui donne. Que les avancées techniques de l’homme lui permettent d’avoir accès aux avancées conceptuelles de ses ancêtres, ressemble fort à une prodigieuse plongée dans l’histoire de l’humanité pour un avenir plus riche.
L’IA, toujours l’IA
dimanche, janvier 14th, 2024Faut-il s’en réjouir, mais les jours se suivent et se ressemblent en ce qui concerne ce nouvel outil qu’est l’IA. Peut-être induit-elle autant d’effroi que de réconfort comme le fut la découverte du feu à la fois destructeur et protecteur. Daté d’il y a environ 800000 ans car il est difficile de distinguer un feu naturel d’un feu entretenu à moins que de déceler des artéfacts à proximité, l’homo erectus n’a peut-être pas été convaincu immédiatement de son immense utilité ! C’est la raison pour laquelle Prométhée prit l’affaire en main et fit de la technè un outil pour l’art. Néanmoins chacun est au courant du détournement qu’en fit l’homme. C’est donc en toute connaissance de cause que l’homme du XXIème siècle pressent les déviations dont il est tout à fait capable. Schématiquement l’IA repose sur la réalisation d’algorithmes « exprimés dans un langage informatique, sous la forme d’un logiciel« . Elle est capable d’apprendre via des modèles mathématiques. Pour le Parlement Européen « l’intelligence artificielle représente tout outil utilisé par une machine afin de reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité ». Et voici comment soixante quatorze ans plus tard, Video: What is ChatGPT not?, on parle avec Turing Mais aussi comment soixante quatorze ans plus tard, l’horizon s’étant éloigné, il est bon de questionner la communauté :There are holes in Europe’s AI Act — and researchers can help to fill them.
La Mort en question
mardi, janvier 9th, 2024C’est peut-être un article un peu « trop long » (https://arxiv.org/pdf/2306.03009.pdf) dans son intégralité, ce qui est dommage car le titre en est particulièrement prometteur « Using Sequences of Life-events to Predict Human Lives » puisqu’il cache plusieurs thèmes d’actualité. Trois points de réflexion en particulier peuvent en être extraits : la Vie, la Mort et leur accointance avec l’IA. La Mort a aujourd’hui tellement perdu de sa réalité qu’elle passe de l’état de sujet à celui d’objet dont on serait en mesure de prédire la date de survenue, ce qui peut être intéressant pour un tiers mais à tout le moins point d’achoppement pour l’intéressé. La Vie quant à elle peut être assimilée le plus simplement du monde à une suite d’évènements qui du fait de leur similitude avec des séquences, autorise l’utilisation d’un algorithme puisque défini par « la description d’une suite d’étapes permettant d’obtenir un résultat à partir d’éléments fournis en entrée« . Personne n’a pourtant oublié Malraux pour qui si « La vie ne vaut rien, rien ne vaut une vie « . A l’évidence réifier la Mort comme la Vie ne posent aucun problème aux auteurs de l’étude. Et donc se pose LA question : ont-ils connaissance du mot magique, ETHIQUE et du domaine auquel il s’applique ? Alors pour en terminer, mieux vaut se référer à la conclusion « pleine d’humour » de l’article du JIM « IA : la mort est son métier »(https://www.jim.fr/medecin/jimplus/e-docs/ia_la_mort_est_son_metier_200205/document_jim_plus.phtml). A suivre ?
Corrélation vs causalité
samedi, mars 4th, 2023Une corrélation est une relation statistique entre deux variables dont les valeurs varient dans le même sens ou dans le sens opposé. Ainsi la corrélation peut-elle être positive ou négative. Une causalité est une corrélation dans laquelle une variable dépend de l’autre et cette relation persiste dans le temps. Le problème de la relation cause/effet a pris une importance toute particulière avec le développement des sciences soit donc à partir du XIXème siècle. « L’homme a naturellement envie de savoir » ce qui explique le monde des questions qu’il pose et se pose. Il est donc vraisemblable que cette appétence est à l’origine de la technique, concevant des objets dont le but est bel et bien de lui venir en aide grâce aux réponses qu’elle sera en mesure de lui apporter. Mais le problème vient de ce que trouver qu’il existe des corrélations entre des facteurs ne signifie pas qu’il y ait une relation de cause à effet. La relation entre deux variables, qu’elle soit négative ou positive ne signifie pas que l’une agit sur l’autre ce qui signe la causalité. La recherche de corrélation implique donc d’étudier des variables sans chercher à les manipuler. La relation de cause a effet ne peut intervenir dans la démarche du chercheur que dans un second temps : la recherche causale nécessite une expérience programmée dont les variables seront contrôlées. Mais aujourd’hui ce problème va se poser à l’Intelligence Artificielle qui détecte parfaitement les corrélations mais se révèle particulièrement mutique en ce qui concerne le domaine de la causalité (Why AI needs to understand consequences). D’où la question que peut faire l’homme pour sa machine s’il veut valider sa prise de décision ? Il faudra donc adapter la machine pour transformer ses capacités et les rapprocher des qualités humaines qui font que l’appréciation de la causalité est le résultat de nombreuses acquisitions et qualités humaines parmi lesquelles l’imagination et les retours en arrière ! C’est « l’inférence causale » où les mathématiques vont devoir prendre en main l’acte décisionnel humain pour le meilleur en évitant le pire !
Après la dactyloscopie ?
samedi, novembre 21st, 2020Même si le nom de Bertillon reste attaché en criminologie à l’utilisation des empreintes digitales dès 1902, les papilles et crêtes dermiques étaient connues depuis 1678 et déjà utilisées en 1880. En réalité, Bertillon n’y croyait pas trop ! Pourtant leur valeur signalétique fut reconnue à la hauteur « de tout autre ensemble de caractères physiques ». Aujourd’hui les empreintes digitales restent utilisées dans différentes situations : ainsi celle de l’index gauche est indispensable pour l’établissement de la carte d’identité française, une autre peut servir de clef pour remplacer la saisie d’un mot de passe : c’est donc bel et bien une donnée biométrique. Alors qu’en est-il de cette nouvelle application de l’IA, à savoir l’utilisation de la reconnaissance faciale, toute nouvelle donnée biométrique. Car à cette donnée se rattache un questionnement éthique absent du recueil des empreintes digitales (Ethical questions confront facial recognition). La biométrie est selon la CNIL une « Caractéristique physique ou biologique permettant d’identifier une personne », c’est ce que permet l’empreinte digitale, l’ADN, la voix tout autant que les relevés de biométrie foetale indispensables aux études de datation ou de trophicité dans la surveillance d’une grossesse à risque. Quelles sont alors les conditions pour que le recueil de paramètres morphométriques interroge l’éthique ? Les conditions d’obtention et/ou les conditions d’utilisation ? Chacun sait qu’à la technique ne s’attache aucune qualité : elle n’est ni bonne ni mauvaise, c’est ce que l’homme en fait qui peut poser question. Ainsi en est-il de la finalité du marteau ! Avant que d’être traitées, les informations ont dû être obtenues : c’est le comment qui est en cause par exemple le volontariat de l’individu. Enfin le troisième point important est le paramètre lui-même et dans le cas présent, la reconnaissance faciale. Car si le visage est le médiateur à la relation d’autrui selon Levinas, cette capture subie le dépossède de sa qualité essentielle, sa responsabilité envers l’autre.
C’était il y a soixante quinze ans …
samedi, mai 11th, 2019En 1944, Erwin Schrödinger, qui depuis dix ans s’amusait déjà beaucoup avec son chat, commet un ouvrage de vulgarisation dans lequel il pose une question essentielle : Qu’est-ce que la vie ? La question semble tout aussi difficile à résoudre que la question de la définition du temps à laquelle Saint Augustin avait apporté la réponse suivante : « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore « . Et c’est un peu en le paraphrasant que François Jacob avait répondu sans répondre » ..chacun de nous sait ce qu’est la vie ». C’est avec plus d’acuité encore que se pose de nouveau la question au regard des robots et autres dérivés de l’Intelligence Artificielle (Opinion: How to Define Life, https://www.the-scientist.com/news-opinion/opinion–how-to-define-life-65831 ), cette dernière n’arrêtant pas de s’améliorer. La question est d’autant plus prégnante que l’industrie en cause se mobilise pour définir à son profit des lois à propos de la robotique, autres que celles d’Isaac Asimov ! (Don’t let industry write the rules for AI,
https://www.nature.com/articles/d41586-019-01413-1?WT.ec_id=NATURE-20190509 ). Un robot ne s’est-il pas vu attribué une nationalité ? Parmi tous les critères proposés, il en est certains auxquels répondent les produits de l’IA et on pourrait poser comme indispensable qu’ils répondent à tous. Il en est pourtant deux qui jusqu’à aujourd’hui sont encore spécifiquement humains : l’évolution darwinienne mais aussi la connaissance qu’a l’homme de sa finitude. Mais il ne peut s’agir là que d’une réponse à l’aune des connaissances actuelles. L’expression « Demain est un autre jour » reste on ne peu plus pertinente !