Si le passage de l’oralité à la scripturalité a été largement investigué, l’apparition de la parole chez l’homme est un sujet particulièrement pauvre en données exploitables. Dans ce domaine les spéculations vont bon train. Rousseau avait quant à lui une théorie selon laquelle la parole est apparue après ce qu’il nommait “le cri de nature”, quand l’homme a rencontré l’homme, quand il devenait indispensable de comprendre son voisin autrement que par une gestuelle corporelle. Une deuxième étape dans ce processus de la parole se reproduit avec le nouveau né qui doit acquérir une expression orale compréhensible. Des théories modernes supposent que le babillement comparable à celui des oiseaux, signe la naissance du langage chez le petit d’homme. Outre les questions portées par l’apparition du langage, il en existe d’autres en particulier celles qui s’inscrivent dans le domaine de la linguistique. Même s’il s’agit d’une science descriptive elle n’est pas exempte d’interrogations. Et cerise sur le gâteau un article récent How grammar influences perception, pointe du doigt une nouvelle facette, l’exploration, les rapports entre la langue et la perception. C’est assez dire que l’on aborde un champ encore plus complexe puisque de la perception à la parole primitive on passe de la parole à la perception seconde ! On sait déjà qu’il existe une cinquantaine de mots pour parler de la neige chez les inuits, la neige qui tombe n’étant pas celle qui va tomber, il ne s’agit donc pas de la même neige et il n’est pas inexact de la nommer différemment ! Mais il s’agit encore dans l’article sus cité d’un autre aspect, à savoir l’influence de la grammaire sur la perception de celui/ceux qui utilise(nt) la dite grammaire. La question de fond étant de savoir si tous les hommes perçoivent le monde de la même façon ! En fait ce qui semble se détacher des enquêtes menées à partir des langages australiens indigènes (cf l’article cité) c’est l’existence de nombreuses boucles rétroactives liant pour le meilleur, la langue, la culture, le savoir. Ainsi serait-il illusoire de vouloir envisager séparément ce tout qui pourrait définir l’humanité.
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Le locuteur et le linguiste
mercredi, octobre 25th, 2023Du prêt à porter au sur mesure !
vendredi, juin 30th, 2023Se rapprocher au plus près des conditions réelles dans lesquelles se développe un processus néoplasique est le voeu le plus cher de tous les thérapeutes. Les lois sont établies à partir d’échantillonnages représentatifs mais chaque individu reste une singularité qui ne s’inscrit pas nécessairement dans la moyenne voire dans la dispersion de la loi normale de Gauss. On sait que selon cette loi, telle thérapeutique montre son efficacité dans la majorité des cas mais on sait également qu’il existe des patients qui échappent à ce schéma. Il faut donc imaginer et se donner les moyens de réaliser l’adéquation parfaite entre la néoplasie de la personne X et le traitement qui va lui être apporté. Dans ce but l’idée est de reproduire au plus près les conditions dans lesquelles se développe la tumeur située qu’elle est dans un organisme qui lui répond par une modification de la structure de son environnement immédiat. Le défi est donc de réussir à reproduire artificiellement et le plus exactement possible les conditions réelles pour que la thérapeutique adoptée soit la mieux adaptée. Les cultures cellulaires bidimensionnelles du début du XXème siècle ont ainsi laissé la place aux cultures tridimensionnelles parmi lesquelles la technique des organoïdes permet une meilleure compréhension de la réalité des phénomènes. En effet ” Les agrégats cellulaires reflètent la signalisation moléculaire qui se produit entre les cellules d’un même tissu en permettant des interactions cellule-cellule et cellule-matrice. De plus, les cultures 3D permettent des études plus fiables concernant les aspects biologiques tels que la viabilité, la prolifération, la morphologie, la différenciation et le métabolisme des médicaments” : c’est le sujet de l’article A 3-D Tumor Microenvironment for Personalized Immunotherapy. Une élégante manière d’aborder la difficulté de la “multifactorialité” d’un évènement en biologie comme ailleurs !
Bizarre, vous avez dit bizarre …
jeudi, avril 13th, 2023Encore un monde inconnu à explorer bien qu’exploité depuis la nuit des temps. Depuis l’animal machine de Descartes et l’homme machine de de la Mettrie qui en est issu, le regard que pose l’homme sur des règnes autres que le sien a bien changé. Cette nouvelle vision le porte même à parler d’une culture autre que la culture humaine. C’est le thème que soutient Le philosophe D. LESTEL, pour lequel il faut penser la culture dans sa globalité. D’une part la culture humaine n’est qu’une de ses composantes tandis que d’autre part, il faut arrêter d’opposer culture et nature ! En effet, l’homme ne peut plus ignorer l’existence d’une culture animale dans la mesure où la culture étant consubstantielle au vivant il faut abandonner son versant exclusivement anthropomorphique. Mais si l’on admet que pour qu’il y ait culture, il faut qu’il y ait modification de l’environnement, il faut que l’on admette également que les modifications apportées par les vivants, bactéries, protistes, champignons, végétaux et animaux expriment une culture. Peut-être alors faut-il envisager que “seuls certains types de modifications” peuvent participer de la culture ? Il persiste néanmoins un problème non résolu lorsque l’on adopte cette théorie : il s’agit du rapport entre culture et civilisation , car il reste encore aujourd’hui difficile de définir des civilisations autres qu’humaines. Quoiqu’il en soit, le règne végétal serait en passe de rejoindre, à sa façon, le monde de ceux qui conversent entre eux. En effet un article récent se penche sur la communication au sein du règne végétal (Stressed plants ‘cry’ in ultrasound) quand les plans de tomates et de tabac émettent des sons en cas de stress, “sons” qui pourraient de plus être perçus par certains animaux, mais pas encore par l’homme. Ainsi la Nature constituerait un tout qui s’exprime et communique et dont l’Homme serait exclu ! D’où l’assertion possible selon laquelle l’homme ne serait pas naturel !!!
La sociabilité passe par les mains
samedi, juin 26th, 2021La poignée de main chez l’homme est porteuse de significations différentes selon la manière dont elle est réalisée. Mais aujourd’hui les conditions sanitaires l’on reléguée au rang des gestes prohibés parce que potentiellement dangereuse. On peut désormais se taper le coude, le pied ou peut-être plus élégant pratiquer la salutation, dite Namasté. Les chimpanzés non encore avertis de ce changement de comportement chez les humains (!), continuent de pratiquer la dite poignée de main mais il ne s’agit pas d’un geste unique répété à l’identique : en effet certains se pratiquent paume contre paume chez les femelles alors que les mâles se serrent plus volontiers les poignets (Chimp Groups Have Their Own Distinct “Handshakes”) Il existe également des agrippements, des applaudissements et des manifestations lors du toilettage. Et justement parce que ces contacts manuels non seulement ne sont pas uniques mais encore sont permanents on est tenté de les voir porteurs de significations appropriées et l’on est même tenté de chercher à établir des comparaisons avec la pratique humaine, même s’il ne s’agit pas d’une manifestation culturelle universelle. Ce type de contact privilégié fait partie d’un code de sociabilité probablement simple, où dans le groupe l’un reconnaît l’autre comme autre que lui avec comme corollaire l’indication une supériorité de l’un sur l’autre. L’homme ne traite pas différemment cette gestuelle et donc existe-t-il des rapports avec la société des chimpanzés ? Est-il raisonnable d’envisager une évolution convergente ?
Comme un air de déjà lu !
mercredi, mai 9th, 2018Si l’on ne désire pas se lancer dans la technique d’étude basée sur l’organoïde pour choisir ce que l’on pense être plus proche de la réalité on peut faire mieux voire mieux faire comme le détaille l’article, Researchers Succeed in Keeping Disembodied Pig Brains Alive (https://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/52469/title/Researchers-Succeed-in-Keeping-Disembodied-Pig-Brains-Alive/&utm_campaign=TS_DAILY%20NEWSLETTER_2018&utm_source=hs_email&utm_medium=email&utm_content=62563182&_hsenc=p2ANqtz-9spTV_olgyliWPkwsnyzEePyBuT1L6x-c6GV3u7C8BrSkTSMTKHonPcQ9nDkXFuuTWVjRJok-D1Qz8hSse5o58mSOa6Q&_hsmi=62563182). Beaucoup plus simple en effet serait de recueillir un cerveau de porc (chez le cochon tout est bon !) et de le maintenir en vie, seule la durée de ce maintien pouvant poser un petit problème. C’est ce qui vient d’être réalisé pour une durée de trente six heures selon une technique qui semble si simple qu’elle serait à la portée de tous et de chacun. Coïncidence quand paraissait l’article du MIT (ci dessus), Nita A. Farahany et ses collègues se livraient à une réflexion sur les problèmes éthiques posés par les différentes techniques qui peuvent être appliquées à l’étude du fonctionnement cérébral (https://www.nature.com/articles/d41586-018-04813-x?utm_source=briefing-dy&utm_medium=email&utm_campaign=briefing&utm_content=20180426) . Que l’on fasse fonctionner un organoïde rénal tout autant que digestif et la voix qui pose des questions reste basse , un organoïde rétinien puis cérébral et la conscience se réveille. Pourquoi ? Sinon parce que persiste dans l’imaginaire la suprématie des cinq sens humains comparés aux fonctions d’épuration ou de digestion. L’âme a en effet été localisée dans le cerveau plus précisément dans l’épiphyse pour Descartes et ce temps n’est pas si loin puisque l’éthique semble ne réapparaitre qu’au regard de l’organe étudié ! Ce qui tendrait à conforter l’idée que l’homme peut toujours être être démonter et que les pièces qui le composent seraient redevables de deux éthiques l’une philosophique et l’autre scientifique ?