Personne n’ignore l’existence du Prix Nobel tant l’honneur qui s’y rapporte s’il revient en premier lieu à l’heureux récipiendaire, éclabousse également ses paires voire la nation dont il est issu. Créé en 1901 par Alfred Nobel, inventeur de la dynamite, la récompense s’adresse à cinq disciplines différentes à l’exception des mathématiques et ce pour des raisons assez évasives, sur lesquelles Alfred Nobel n’a jamais voulu apporter de précisions. Mais pour faire mentir le dicton « pas sérieux, s’abstenir », en 1991 Marc Abrahams, éditeur et cofondateur du magazine scientifique humoristique Annals of improbable Research crée le prix Ig-Nobel pour Ignobel, une récompense parodique de son prestigieux frère sus nommé. Il semble que les titres en soient volontairement transgressifs comme en témoigne l’article The ‘silly’ science prize changing careers (https://www.nature.com/articles/d41586-024-03756-w) : ainsi Les chauffeurs de taxi londoniens ont un plus gros hippocampe ou bien, Premier cas documenté de nécrophilie homosexuelle chez les canards. Si leur lecture montre qu’il s’agit bel et bien de travaux originaux, ils sont également et peut-être surtout le point de départ d’études ultérieures probablement en rapport avec un regard différent et exempt d’a priori castrateurs. Ainsi peut-on voir dans le rire le bouton qui déverrouille une situation, qui ouvre une porte sur un inattendu, un nouveau type de rupture épistémologique !
Rire pour réfléchir !
novembre 24th, 2024Homo ratus est homini !
novembre 16th, 2024L’homme un rat de laboratoire (Why we are all lab rats in the digital world) ? Il convient de choisir le sens que l’on donne à l’expression, car le rat de laboratoire est un petit rongeur bien particulier de l’espèce des ratus novergicus, issu d’une lignée choisie et élevée à des fin d’expérimentation, quand par ailleurs le rat de laboratoire est celui qui passe sont temps confiné dans son lieu de travail. Qu’est donc « l’homme, rat de laboratoire » des auteurs ? Un sujet devenu objet d’expérimentation tel le ratus norvegicus dans la mesure où il ignore parfaitement son état puisqu’il y a été mis à son insu ! Il ne s’agit ni plus ni moins que de l’utilisation des « mega/giga data » accumulées au grès de l’utilisation des réseaux sociaux par tous ceux qui les parcourent. Quelle que soit le recherche, qu’il s’agisse d’un particulier, d’une entreprise, cette utilisation des données affecte tout autant les travailleurs indépendants que des équipes de scientifiques. « Il existe ainsi trois régimes possibles d’expérimentation – explicite, caché et illimité – qui ont reconfiguré l’autonomie » des consommateurs. Ainsi créer un compte est-il synonyme d’abandon des données personnelles au profit de … ? Si le monde scientifique est plus impliqué dans une démarche éthique, il n’en est pas nécessairement de même pour tous ceux qui se situent en dehors. C’est la raison pour laquelle la loi sur l’intelligence artificielle de l’Union européenne (https://www.cyberguru.it/fr/2024/05/06/loi-sur-lia-leurope-est-la-premiere-au-monde-a-reglementer-lintelligence-artificielle/?) est d’une réelle importance et constitue une avancée responsable dans l’encadrement de l’utilisation des données et des algorithmes générés. Encore un exemple d’un détournement par destination !
Pourquoi l’écriture ?
novembre 13th, 2024Les peintures pariétales de la préhistoire sont loin d’avoir livrer tous leurs secrets. Pourquoi les représentations animales y sont-elles si merveilleuses et pourquoi celles de l’homme sont-elles rares et si éloignées de leurs modèles ? Quelle est la signification des mains pariétales amputées d’un ou de deux doigts ? A coup sûr, il ne s’agit pas d’amputations chirurgicales ni de malformations ! L’homme préhistorique a pourtant donné à l’image une signification que l’homme actuel est incapable de totalement déchiffrer. L’écriture en tant que telle est intervenue bien plus tard, en fait relativement récemment et la question se pose toujours d’en connaître le pourquoi et le comment. On imagine volontiers que dans la mesure où les échanges se sont complexifiés, les besoins économiques en sont l’origine. Échanger une vache contre cinq chèvres ne devait pas poser de problèmes, mais des céréales contre des poteries rendait l’opération plus délicate. C’est probablement dans ce sens que va l’étude concernant des signes graphiques rapportés au commerce en Mésopotamie (Cylinder symbols hint to origins of writing), c’était déjà l’hypothèse que soulevait L.J. Calvet dans son ouvrage, Histoire de l’écriture (HACHETTE, Littératures, 1996). Dans le cas des sceaux cylindriques étudiés, l’intérêt vient de ce que les signes relevés pourraient constituer une étape antérieure à l’écriture cunéiforme, méritant donc le qualificatif de proto cunéiforme. Cette « première ébauche » d’écriture se situerait environ quatre mille quatre cents ans av. J.-C, soit mille ans avant l’écriture elle même, quand l’Iliade et l’Odyssée homériques dateraient du sixième siècle av. J.-C. Même s’il reste des interrogations sur l’interprétation de certains signes, il n’en reste pas moins vrai que la vie économique a du être un facteur puissant dans l’apparition de l’écriture et dans le passage du symbole au mot porteur de sa signification !
Plaidoyer pour la syntaxe
novembre 10th, 2024Dans la fin des années cinquante, une éducatrice du nom d’Evelyn Wood, gagna sa popularité en créant et commercialisant un système censé augmenter la vitesse de lecture donnant le terme de lecture rapide ou dynamique au procédé. Peu de critiques alors se firent jour et la méthode fut facilement acceptée bien qu’elle reposât sur une impossibilité, à savoir l’élargissement du champ visuel. Evelyn Wood suggérait en effet qu’il était possible, en s’exerçant, de déchiffrer des signes disposés sur une surface supérieure à celle de la fovéa. Or physiologiquement en dehors de cette zone, la vision devient très imprécise (https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1986_num_52_1_1414). Et donc comment est-il possible qu’il existe des individus qui lisent beaucoup plus rapidement que d’autres, de même comment est-il possible de comprendre les messages SMS quand ils ne sont composés que de consonnes juxtaposées ? Ce qui est en l’occurrence une des caractéristiques des langues sémitiques triconsonantiques ou trilitères ! Quoiqu’il en soit, il est de fait que « le traitement du langage en un coup d’œil ne devrait pas fonctionner« , mais puisqu’il fonctionne, il doit exister une explication et c’est ce que propose l’article Humans comprehend sentences in a flash en s’appuyant sur ce qui devrait être un mantra universel : connaître la syntaxe de sa langue ! Car quand on connaît, on reconnaît : c’est aussi simple que ça ! Rien de plus élémentaire mais aussi de plus porteur de sens que l’ensemble sujet, verbe, complément. Pour tous ceux qui se jouent de la structure de leur langue mais aussi de leurs écrits il est particulièrement important de leur rappeler que cette dernière est essentielle s’ils veulent être vraiment bien compris.
Mithridatiser !
novembre 5th, 2024Probablement parce que son père Mithridate V avait été assassiné et par ce que il avait tenu tête aux Romains, Mithridate VI usa de précautions pour éviter d’être empoisonné. A cet effet il eut recours à l’absorption réitérée de poison à doses filées (comme on le dirait aujourd’hui) et l’effet cherché fut obtenu puisqu’il ne réussit pas à se suicider et demanda à être aidé pour se faire. Aujourd’hui il s’agit bel et bien de se prémunir des effets particulièrement funestes que peuvent avoir sur la vie des individus en société, la nuée de fausses informations, dites encore fake news, qu’il est particulièrement difficile de débusquer pour les plus sophistiquées d’entre elles. C’est pourquoi un mode d’emploi à cet effet est le bien venu (Can we ‘inoculate’ against fake news?). On aurait envie de dire que persuader les individus de mettre en marche leurs capacités de réflexion et de les utiliser dans un temps long serait l’étape indispensable, nécessaire et suffisante. Pourtant, c’est elle qui pose déjà problème car la persuasion s’inscrit dans une démarche parallèle à celle qu’adopte la fausse information. Il convient donc d’être plus subtile, en préparant le terrain pour inoculer un vaccin qui tout en étant indolore sera efficace. Il est vrai que la méthode s’apparente à l’effet d’un message subliminal qui imprime déjà une information et qu’elle n’agit pas sur cette dérive sociétale qu’est le débordement incontrôlable d’informations. Comme le souligne l’article il n’existe pas une méthode mais des méthodes que l’on devrait pouvoir combiner. Pourtant toutes ont un socle commun, et c’est lui qui devrait être enseigné : savoir réfléchir ensemble en prenant son temps.
Arrêt sur image
novembre 2nd, 2024Une boîte noire est un système dont le fonctionnement interne est soit inaccessible, soit omis délibérément. Pour le behaviourisme le cerveau est une boîte noire et seuls les comportements sont accessibles et peuvent servir de base à une étude scientifique. Aujourd’hui sans être devenue d’une totale transparence, la boite noire livre peu à peu les secrets de sa construction ce qui plus tard aidera peut-être à expliquer son fonctionnement. C’est ce que propose l’article The ineffable quality of the human brain en abordant l’étude comparative de plusieurs cerveaux de mammifères (ou pas) en s’attachant particulièrement au versant cytologique de l’étude, ce qui aurait plu aux morphologistes classiques, mais pour faire preuve de modernité, en lui adjoignant des données génétiques. Depuis Golgi et Ramon y Cajal, les images des neurones n’ont pas réellement été modifiées : on peut simplement s’accorder sur le fait qu’ils sont loin d’être aussi simples que les premières imprégnations argentiques ou colorations spécifiques le laissaient supposer. Exception faite de l’axone qui même s’il se bifurque reste unique, les dendrites se révèlent beaucoup plus nombreux et la forêt des synapses est inextricable. En résumé, c’est la même chose mais en mieux ! Par contre la perte cellulaire annoncée très précocement chez le petit humain se révèle être une duperie, car le cerveau n’atteint sa maturité que vers le tiers de la vie de son possesseur, ce qui est rassurant ! Quant au quotient d’encéphalisation il est largement en faveur de l’humain. Et si le nombre des cellules est supérieur chez l’homme, les types cellulaires sont comparativement moins différents que ce à quoi aurait pu prétendre son orgueil. En fait comme l’écrivent les auteurs « ce ne sont pas les ingrédients qui sont différents, mais la recette« . Si les instruments sont globalement identiques, ils sont plus nombreux et l’orchestre est capable d’un polyphonie plus riche.
Le zéro n’est pas rien !
octobre 30th, 2024Il est de notoriété publique que le « zéro a été inventé tardivement dans l’histoire ». Son usage moderne est à mettre sur le compte d’un mathématicien italien, Leonardo Fibonacci, qui introduisit en Europe le système de notation indo-arabe avec en particulier sa notation sous la forme d’une figure simple fermée, 0. Mais si la figure se révèle effectivement simple, le symbole qui s’y rattache est très loin de l’être, comme on peut en juger. Il est à la fois chiffre et nombre, il représente quelque chose qui n’existe pas mais qui devient existant puisque l’on constate son absence, il prend place sur l’axe des abscisses et ordonnées avant le 1 : quant aux opérations auxquelles il participe, elles ont nécessité de nouvelles règles de calcul ! Ainsi le zéro est-il affecté d’une complexité extrême qui ne peut qu’échapper à celui qui le manipule quotidiennement en raison d’une représentation mentale comme pour tous les autres chiffres. Alors dans la mesure où il est devenu possible de réaliser des images du fonctionnement cérébral, il était intéressant de tester la représentation des chiffres et des nombres en portant une attention toute particulière au zéro. N’est-il pas amusant d’avoir une image d’une « absence [qui] devient objet mathématique » ? En effet pourquoi le zéro n’occuperait-il pas une place particulière dans le cerveau (How we get our heads around zero) ? Les auteurs ont donc cherché s’il existait une base neuronale pour le zéro. Fondamentalement il n’existe pas de différences spécifiques concernant sa représentation. Si le zéro allume plus de neurones, le cerveau le traite néanmoins comme tout autre nombre : « En tant que tel, le zéro est traité comme n’importe quel autre nombre formel« . Et donc, à l’image de « l’homme [qui est] une femme comme les autres », le zéro est un nombre comme les autres ! Reste pourtant cette propriété humaine (jusqu’à aujourd’hui du moins) de savoir différencier l’absence du rien.
Venu d’ailleurs !
octobre 28th, 2024Il n’est pas inutile de le répéter, depuis Hésiode et sa Théogonie, parce que plus facile à déchiffrer que l’épopée de Gilgamesh en sumérien, l’apparition de l’homme sur terre constitue un problème majeur de la fondation de l’humanité. Si l’on excepte la création divine, ex nihilo, force est de se demander ce qui a bien pu présider à la survenue de la vie sur terre. Pour la finitude, les preuves existent, on peut simplement les trouver absurdes mais pour le point de départ pas la moindre trace du commencement d’une preuve ! Il est tentant de penser avec Aristote, « que rien ne nait de rien« , ce qui sous entend qu’il y toujours eu quelque chose, d’où l’hypothèse d’une succession de big bang et de big crush. Mais qu’en est-il de la vie, c’est à dire de son apparition ? Dans la mesure où même à l’œil nu, l’observation du ciel montre à l’évidence que la terre n’est pas la seule planète de l’univers, il a été tentant de postuler l’existence d’êtres extra terrestres qui auraient pu être à l’origine de la population terrienne, la science fiction regorge de ces élucubrations. Aujourd’hui les recherches évoquent une hypothèse moins farfelue, (Meteorite was ‘giant fertilizer bomb’ for life), mais qui s’inscrit néanmoins dans une démarche qui lui ressemble. Les météorites sont connues pour s’écraser sur terre et être cause de dégâts que l’on est en droit de qualifier d’extrêmes. Pourtant qui dit météorite sous entend phosphore et fer, excellents nutriments venant au secours d’organites unicellulaires procaryotes, et jouant le rôle d’un véritable engrais selon les auteurs de l’article. Il y a plus de trois milliards d’années la vie existait déjà, ce sont les stromatolithes. Mais la terre compte plus de quatre milliards d’années d’existence pendant lesquelles les impacts de météorites se sont succédé et si chaque collision était fatale à la vie antérieure, elle était aussi propice à un recommencement à l’image de la météorite géante dont parlent les auteurs.
Connaissance du passé/Destruction de l’avenir
octobre 20th, 2024En fait la question n’est pas de savoir s’il faut choisir entre la connaissance de son passé et la destruction de son avenir parce que c’est la connaissance du passé de l’humanité qui est le signe de la destruction de son avenir. De quoi s’agit-il ? Le monde est maintenant largement averti que le dérèglement climatique dont l’homme est pour partie responsable, se traduit entre autre par un réchauffement global dont les conséquences sont multiples. Ce réchauffement qui affecte principalement les étendues océaniques se reflètent dans l’abondance et la violence des précipitations en général. Ces modifications affectent en particulier les étendues gelées jusqu’alors, glaciers, glace des montagnes, pergélisol (permafrost). Or il se trouve qu’un certain nombre de ces surfaces glacées pourrait l’être depuis des milliers d’années. Comme l’a révélé un cadavre célèbre, celui d’d’Ötzi, cette eau solidifiée avec laquelle des premiers hommes ont eu à vivre, peut en avoir gardé une certaine mémoire. C’est ainsi qu’en fondant elle instruit sur la saga humaine mais que se faisant elle témoigne de son impéritie et signe pour son avenir des jours moins heureux (The discoveries emerging from melting ice). En savoir plus sur le néolithique , c’est également en savoir plus sur les interactions homme/nature qui n’ont pas attendu l’anthropocène pour se manifester. Mais il existe des inconvénients, l’envers de la médaille. D’une part ces plaques glacées sont en voie de disparition et ce lien fragile avec le passé disparaitra à tout jamais, auront-elles livré tous leurs secrets avant leur effacement ? D’autre part, il se pourrait que se produise une libération de germes vieux de plus de cinquante mille et de ce fait parfaitement inconnus. L’homme d’aujourd’hui est-il prêt à apprendre les conditions de la vie au néolithique et à se défendre de ses vicissitudes ?
Et le Nobel est attribué à …
octobre 13th, 2024Que les noms des différents récipiendaires des prix Nobel soient pour la plus part d’entre eux inconnus du public, n’est peut-être pas une raison suffisante pour ne pas discuter des deux dernières attributions. En effet, à y regarder de près l’IA semblerait bien être la gagnante, non pas encore toute catégorie, mais au moins dans deux disciplines, Physique et Chimie. Si les deux nominations concernent bel et bien des personnes physiques dont les noms ont été donnés, l’IA n’est pourtant pas absente et pour certains il devrait en être tenu compte. Quel est l’objet du débat ? La mise en concurrence de deux aspects de la recherche (AI wins two Nobels — sparking debate) : la théorie et la pratique dont il semble aujourd’hui que la séquence d’utilisation se soit inversée. L’hypothèse première, déterminant l’utilisation d’outils dédiés a été remplacée par l’utilisation première d’outils qui ne seront dédiés que secondairement en fonction des résultats qu’ils auront permis d’obtenir ! Ne serait-ce pas « mettre la charrue avant les bœufs ! » Il faut néanmoins reconnaître que cette nouvelle méthode de l’utilisation de l’IA n’est pas dénuée d’avantages et que même si le système enclanche de lui-même un auto processus réflexif et constructif, il repose bel et bien sur une démarche première dont l’humain n’est pas absent. Par ailleurs les recherches se révèlent être de plus en plus interdisciplinaires car il s’avère que la structure cause-conséquences n’est plus qu’exceptionnellement univoque. Enfin mais peut-être pas à la fin, l’IA peut donner à appréhender de façon plus large la réalité en permettant de comparer ce qu’elle est capable de construire et ce qui existe voire, pourrait exister. Ainsi l’intrusion de l’IA comme co-chercheuse n’exprime-t-elle que l’adéquation entre l’actualité sociétale et l’actualité scientifique.