Indispensable ?

juillet 22nd, 2024

La question ne date pas d’aujourd’hui ! Existe-t-il un rapport entre l’absorption de “drogue” et la création poétique ? L’un ne va-t-il pas sans l’autre ? Toute création poétique est-elle nécessairement tributaire d’un ingestion de drogue ? Des exemples célèbres sont connus pour confirmer ou infirmer cette assertion. Parmi les textes écrits sous hallucinogènes, “Au dessous du volcan” de Malcom Lowry pourrait être étudié comme cas clinique tout comme la nouvelle “Morphine” de Mikhaïl Boulgakov. Quoiqu’il en soit, indispensable ou pas, c’es la physiopathologie qui est aujourd’hui à l’honneur (Your brain on shrooms). Comme dans le roman de Malcom Lowry, c’est la psilocybine des champignons hallucinogènes dont il a été tenu compte. En fait ce ne sont pas les neurones pris individuellement qui subissent des modifications, mais les circuits neuronaux. La synchronisation habituelle, fait place à une désynchronisation avec dans le même temps des modifications de l’hippocampe antérieur. Il est néanmoins possible d’atténuer cet effet de désynchronisation en demandant au sujet d’exercer son attention sur une action précise. C’est justement cet effet de désynchronisation qui pourrait être impliqué dans les bienfaits thérapeutiques potentiels de la psilocybine, sans que l’on connaisse encore précisément le mode d’action. C’est le consul, Geoffrey Firmin, qui aurait été content de comprendre pourquoi son addiction au mescal lui permettait d’évacuer ses remords !

Espèce, vous avez dit espèce ?

juillet 7th, 2024

Parce que le terme de spécisme est aujourd’hui employé dans mille et une occasions, il peut être bon de revenir sur le concept d’espèce. Le dictionnaire de l’Académie Française définit l’espèce comme : “Unité de classification groupant les êtres vivants qui ont les mêmes caractères morphologiques, histologiques, cytologiques, sont féconds entre eux et présentent des comportements communs.” Ce que l’on exprime également de la façon suivante par :ensemble des individus au génotype (l’ensemble des gènes) et phénotype (l’expression des gènes) suffisamment semblables pour pouvoir se reproduire entre eux et avoir une descendance viable et féconde dans un milieu naturel.“. Le concept biologique premier repose sur l’isolement reproductif auquel s’ajoute celui de viabilité du produit de la conception. Lorsque surgit l’antispécisme philosophique et moral dans les années 1970, il n’était question que de la vision et du traitement que l’homme se devait de porter sur le règne animal et ses individus. Mais aujourd’hui c’est la définition même d’espèce qui agite le milieu des scientifiques animaliers :What defines a species? Inside the fierce debate that’s rocking biology to its core. Il semble bien qu’il faille reprendre le ménage qu’avait fait Carl von Linné à partir de ses études sur les plantes dès 1732. Les classifications encore en honneur ne sont pas exemptes d’exceptions et de nombreuses hybridations existent de par le monde. Si l’on peut se poser la question du bien fondé d’une classification rigoureuse, car son absence n’interdit pas les études, il n’en reste pas moins vrai qu’elle est nécessaire à la théorie de l’évolution et a sa part dans le dénombrement et la protection des espèces en voie de disparition. Les outils actuels d’études rendent en fait plus difficile une définition univoque : l’amélioration technique n’est pas synonyme de simplification. Il faut savoir ne pas parler impunément de biodiversité !

Scientifique ou pas scientifique ?

juillet 4th, 2024

La question se pose depuis des temps immémoriaux : comment aborder simultanément deux domaines caractéristiques de l’humain mais qui semblent parfaitement antithétiques, à savoir la foi et la raison ? La science gage de progrès du XIXème siècle et qui se doit de cheminer vers la vérité se refusait à aborder ce problème, car comment passer de l’observation à la reproduction par le biais d’une expérience construite pour établir une loi universelle ? Le défi semble de taille dans la mesure où on suppose qu’il existe des sciences plus exactes que d’autres. Les neurosciences, étude de la structure cérébrale et de son fonctionnement, ont été regardées comme des sciences peu exactes jusqu’à l’utilisation d’une technologie appropriée. C’est le sujet qu’aborde l’article, Why neuroscientists should study religion. Pour rappel, si les voix entendues par Jeanne d’arc avait déjà été mises sur le compte d’une épilepsie, temporale, il a pu être décrit “un point de Dieu” dans ce même lobe temporal ! De même a-t-il peu être rapporté un rôle du système sérotininergique. En réalité les zones et les circuits sont multiples et LA question reste quand même toujours de savoir faire la différence entre corrélation et cause. En réalité, l’article pose plus de questions et propose plus d’expériences qu’il n’apporte de certitudes conclusives. Il lève également le voile sur un grand danger, celui d’un pouvoir de manipulation à grande échelle !

La Nature fait bien les choses

juin 29th, 2024

Il est habituel de dénombrer six types de robots parmi lesquels les robots humanoïdes constituent le sujet de l’article Self-healing ‘living skin’ can make robots more humanlike — and it looks just as creepy as you’d expect. Le terme même d’humanoïde rend compte d’un fait essentiel celui du rapport à l’homme. Si l’on considère la société humaine, les rapports sont essentiellement fondés sur des signes extérieurs émis par les protagonistes en présence à savoir : la parole, les mimiques, la gestuelle en général. Aujourd’hui le plus difficile encore concerne le domaine des mimiques. C’est la raison pour laquelle la recherche se penche sur le visage du robot humanoïde dont elle veut qu’il soit le plus proche de son modèle humain. Qui dit visage, dit mobilité, mais une mobilité adaptée c’est à dire une expressivité adaptée à la circonstance. C’est la raison pour laquelle la recherche s’oriente vers la réalisation d’un tégument plastique, d’un masque répondant aux critères indispensables pour qu’un humain éprouve des sentiments d’empathie envers cette encore-machine. La peau artificielle existe déjà mais il convient essentiellement de savoir la fixer de façon constante, voire même de la doter d’un pouvoir d’auto réparation dans la mesure où l’utilisation du robot le confronte à divers types d’altérations. Comme quoi il n’est pas si simple de masquer un visage pour faire de celui qui le porte un être différent de ce qu’il est en réalité mais dans le même temps proche de celui qu’il n’est pas !

Construire pour comprendre

juin 22nd, 2024

En 1865, Claude Bernard dans L’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, posait clairement les principes de “la méthode expérimentale dans les sciences de la vie”. L’épistémologie des sciences montre à l’évidence qu’il ne fut pas le premier à s’intéresser à la façon d’accéder à la connaissance depuis Aristote. Quoiqu’il en soit on peut construire l’expérience selon Claude Bernard, avec comme point de départ l’observation mais on peut aussi adhérer au concept de rupture épistémologique, saut dans l’inconnu, cher à Gaston Bachelard. Ce dont il est question dans l’article  Building Cells from the Bottom Up, c’est “de construire pour comprendre“. Tel le démiurge platonicien, il s’agit de construire une cellule synthétique mais vivante, c’est à dire capable “[d’]un cycle cellulaire fonctionnel, dans lequel la réplication et la ségrégation de l’ADN ainsi que la croissance et la division cellulaires sont bien intégrées” (https://www.nature.com/articles/s41467-021-24772-8). Mais la démonstration de la vie ne sera par ailleurs obtenue qu’ultérieurement avec la division des deux cellules filles à la fin du cycle cellulaire de la cellule mère. On le voit il s’agit d’une construction à visée dynamique qui s’oppose à la déconstruction utilisée depuis la nuit des temps : apparition des fonctions cellulaires vs disparition progressive de ces mêmes fonctions. Construire pour un futur qui comprend avec comme corollaires possibles des applications thérapeutiques encore inédites. Reste néanmoins un point essentiel. Comment explique-t-on qu’une cellule construite à partir d’éléments “non vivants” donne une cellule ayant tous les attributs de la vie ?

Le puits comportemental

juin 16th, 2024

Il y-a-t-il pire que la dystopie orwellienne brossée en 1949 dans l’œuvre, 1984 ? La réponse est oui à la lecture des résultats de l’expérience de John Bumpass Calhoun menée à partir de 1968 sur des rongeurs. Ayant à leur disposition un univers enchanteur, quatre couples de souris vont sombrer dans un univers cauchemardesque en un an. Et grâce à ce merveilleux outil qu’est le raisonnement par analogie, cet éminent éthologue américain se crut permis de décrire l’effondrement probable de la société humaine (https://www.vice.com/fr/article/j5zm4k/des-utopies-pour-souris-ont-predit-leffondrement-de-notre-societe). Heureusement rien n’est moins sûr comme l’explique l’article Universe 25 Experiment (https://www.the-scientist.com/universe-25-experiment-69941) en s’appuyant sur les dangers qu’il y a user à mauvais escient d’un anthropomorphisme débridé. Vient en outre s’y ajouter l’erreur fréquente consistant à assimiler corrélation et causalité. L’étude de la société humaine doit en effet tenir compte des caractéristiques propres à chaque individu, caractéristiques qu’il est particulièrement difficiles de dégager avec précision pour les intégrer dans une projection représentative. Il n’en reste pas moins vrai que les résultats de l’expérience avait pour but l’amélioration de certaines structures comme les prisons ou les hôpitaux au sein desquels la surpopulation pose problème. Il n’en reste pas moins vrai que le problème de fond reste la vision que chacun a de l’autre et de soi d’où la richesse des deux entités que sont l’ipséité et l’altérité.

Regarde de tous tes yeux, regarde !

juin 11th, 2024

Lorsque paraît Michel Strogoff, les propos que Jules Vernes fait tenir au chef tartare Féofar-Kahn ne sont pas dénués d’intérêt au regard du siècle dans lequel ils s’inscrivent. En cette fin du XIXème siècle la technologie de l’image est conquérante et la société est amenée à observer avec d’autant plus d’attention que le monde du spectacle est en plein essor. Mais si l’humain observe, il n’est pas le seul et ses observations peuvent être entachées d’erreurs. D’autres que lui, mammifères ou non, montrent une meilleure capacité d’observation dans la mesure où la vitesse d’un mouvement n’obère pas le déroulement du dit mouvement ce dont l’œil humain n’est pas capable. C’est sur cette incapacité que repose depuis des siècles la puissance de la magie. De jeu particulièrement apprécié dans la société humaine, la magie est devenue une voie d’approche dans l’étude de ce que peut comprendre l’animal de son environnement (A magical window into animal minds). Le divertissement au sens pascalien doit permettre à l’homme de quitter momentanément la perception qu’il a d’être misérable et mortel, mais il peut aussi être outil de compréhension entre différentes espèces depuis que l’homme ne comprend plus ce que lui disent les animaux. Ainsi ne faut-il jamais sous estimer le rôle didactique du jeu quel qu’il soit !

Qu’en penserait Isaac Asimov ?

mai 30th, 2024

Voici les lois de la robotique parues en 1942 “Première Loi : un robot ne peut nuire à un être humain ni laisser sans assistance un être humain en danger. Deuxième Loi : un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par les êtres humains, sauf quand ces ordres sont incompatibles avec la Première Loi. Troisième Loi : un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’est pas incompatible avec la Première ou la Deuxième Loi.” Quatre vingt deux ans plus tard, deux articles invitent à se pencher sur la robotique du XXIème siècle. Car un des problèmes majeur est celui qui concerne la “confiance” que l’on peut ou non accorder, que l’on est en droit on non d’accorder à cette entité. La réponse pourrait sembler loin rien moins que simple à la lecture de ces deux articles parus presque simultanément : ‘Master of deception’: Current AI models already have the capacity to expertly manipulate and deceive humans, mais aussi, The AI revolution is coming to robots. Le premier présente des systèmes d’IA passés maitre dans la l’art de la tromperie, et ce même au niveau de jeux de société, ce qui laisse présager une incontestable capacité de nuisance. Le second au contraire insiste sur le versant positif de l’IA insufflée dans la robotique qui semble alors plus proche de celle conçue par Isaac Asimov. Néanmoins pour se faire une opinion, il ne devrait pourtant pas être impossible de se référer à la remarque selon laquelle “Ce que l’avenir nous réserve dépend de qui vous le demandez“. En effet l’IA (le robot) n’est pas moteur premier non mu tel que professé par Aristote mais but de la technique humaine telle que conçue par Heidegger.

Si ce n’est toi, c’est donc ton père

mai 25th, 2024

“Ton père” ou bien plutôt un ancêtre de celui-ci et c’est là où l’attention est pleinement requise “… Car vous ne m’épargnez guère …” , puisqu’effectivement les gènes ancestraux ne sont pas pour rien dans l’hérédité actuelle des humains (‘More Neanderthal than human’: How your health may depend on DNA from our long-lost ancestors). Si la lignée des néandertaliens a disparu il y a environ quarante mille ans, sans que la raison en ait été clairement établie, elle n’en persiste pas moins dans la lignée moderne de l’H. sapiens. Bien que leurs origines géographiques et leurs dates d’apparition aient été différentes ils se sont non seulement croisés mais aussi mélangés et accouplés. C’est ainsi que des “dizaines de millions d’années” plus tard, persistent des traces indélébiles dans le génome de l’homme d’aujourd’hui . Si les chromosomes sexuels sont particulièrement pauvres en ADN néandertalien, il n’en est pas de même pour les autosomes. Car si l’ADN néandertalien a été pour l’homme moderne particulièrement délétère, la nature faisant bien les choses en a conservé deux pourcents du génome, mais selon une répartition très variable. Cette conservation s’exprime différemment. Ainsi certains traits de l’apparence physique tout autant que l’existence d’une horloge biologique peuvent-ils être le reflet d’une empreinte des pérégrinations de ces très lointains ancêtres. Malheureusement tout n’est pas rose dans cette transmission, en particulier ce qui concerne le système immunitaire. Mais la persistance de fragments d’ADN néandertaliens est d’un intérêt considérable. En effet il ne s’agit pas seulement d’enquêter sur ses ancêtres mais aussi d’explorer ce que ce passé peut encore et toujours apporter au présent.

Communiquer : tout un art !

mai 12th, 2024

La communication pose une question majeure : est-elle exclusivement pensée verbalisée ? Il est reconnu que la verbalisation n’est pas une étape indispensable à la communication, puisque celle-ci appartient à un large spectre du règne animal que ses représentants vivent ou non en société. Plus même que cette faculté de communication, on a récemment prêté au règne animal, hors humanité, un versant culturel (Dominique LESTEL, Les origines animales de la culture, Flammarion, 2001, 368 p.). Mais il faut alors admettre que toute modification de l’environnement peut être expression d’une culture. Après avoir méconnu toute perception à l’animal, on n’hésite plus aujourd’hui à explorer les capacités cognitives des pantes (The controversy of plant consciousness), ce qui pour certains pourrait s’apparenter à de la pseudo science ! Pour l’auteure, certaines réponses adaptées à des stimulus nociceptifs tendraient à démontrer l’existence d’un certain type d’intelligence à moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’une réponse réflexe comme il en existe chez l’animal et l’homme (évidemment !). Ce qui a pour corollaire de se pencher sur la définition du système nerveux ! Quoiqu’il en soit, il est évident que la démarche suivie a peu à faire avec la méthode hypothético-déductive chère à Claude Bernard : la première étape consiste en une observation sans hypothèse de départ, celle-ci n’intervenant que dans un second temps. Comment donc peut-on observer que la feuille entend la chenille la manger si l’on n’adhère pas à cet a priori d’un anthropomorphisme débridé ! Ce qui ne remet pas en cause l’existence, entre les plantes, d’échanges informationnels mis en évidence par des mesures de flux de sève entre végétaux voisins. Ce qui peut prêter à sourire dans le dernier livre de la journaliste Zoë Schlanger (The Light Eaters: How the Unseen World of Plant Intelligence Offers a New Understanding of Life on Earth, https://www.npr.org/2024/05/06/1249310672/plant-intelligence-the-light-eaters-zoe-schlanger), c’est sa vision de la végétation en hiver car il vient immédiatement à l’esprit l’envie de comparer son interprétation à celle des anciens : Déméter cherchant Perséphone contre la mémoire de l’hiver !