Psychohistoire (Isaac Asimov, 1920-1992)

août 23rd, 2023

C’est en 1941, dans la nouvelle ” Beyound all weapons” que Nat Schachner invente le concept de “psychohistoire” largement exploité par Isaac Asimov à partir de 1942. “Cette science permettrait de prévoir par le calcul les évolutions sociales. Bien que capable de prédire la réaction de masses humaines à certains événements, elle ne fonctionne que pour un très grand nombre d’individus et est incapable de prévoir la réaction d’un individu isolé face à un stimulus donné. Elle reconnaît par contre l’influence d’actes de petite envergure sur l’ensemble de la population qu’elle considère. On peut en cela l’apparenter à la — tout à fait scientifique — théorie du chaos”, qui “s’attache principalement à la description de ces systèmes à petit nombre de degrés de liberté, souvent très simples à définir, mais dont la dynamique .. apparaît comme très désordonnée”. Le chaos est un concept philosophique ancien selon lequel il existe des évènements prévisibles et d’autres qui ne le seraient pas et seraient alors le fruit du hasard. Or il est de notoriété publique que l’humanité n’a qu’une obsession, connaître le futur. Les anciens déjà ne pouvaient résister à ce travers et les pythies étaient connues pour délivrer des messages tellement incompréhensibles qu’ils donnaient lieu à des interprétations qui pouvaient se contredire. Quoiqu’il en soit, Asimov avait créer des équations “achaotiques” ayant pour but “de choisir les conditions initiales capables de stabiliser l’avenir à long terme“. L’article Scientists uncover hidden math that governs genetic mutations montre que des domaines des sciences modernes peuvent n’être pas fondamentalement éloignés des “prédictions” d’Isaac Asimov. L’article y montre qu’un gène peut continuer à fonctionner malgré les mutations présentes et qu’il existe une lien avec les mathématiques fondamentales tel que “on peut prédire la fréquence à laquelle des mutations génétiques entraînent des changements de fonction“. La téléologie assumée concerne bien à plus ou moins long terme la prise en charge d’anomalies génétiques humaines en vue de leur traitement. Mais il est toujours “amusant” de constater une fois encore comment la réalité a posteriori vérifie la fiction qui l’a précédée.

Qu’est-ce qu’une métamorphose ?

août 14th, 2023

Avant que d’en avoir eu connaissance un peu plus tard dans leur vie d’écolier, peu nombreux étaient ceux qui ignoraient pourtant le mot “métamorphose“, car rares étaient ceux qui n’avaient jamais admiré cette adaptation que subissait le prince Actarus lorsqu’il allait piloter son robot, le bien connu Goldorak. Lorsqu’ Actarus prononce la célèbre phrase ” Métamorphose ! Goldorak, Go” il n’existe pas de réelle transformation du prince en son robot justicier, puisqu’il ne fait que le réintégrer et le changement de forme n’est pas transformation d’Actarus qui reste Actarus. En biologie “la métamorphose est une période de la vie d’un animal qui correspond au passage d’une forme larvaire à une forme juvénile ou adulte”. Dans le cas rapporté ci-dessous il s’agit de la chrysope verte qui doit son nom à ses yeux d’or. La transformation de la larve en un insecte ailé reste un processus relativement mystérieux mais l’article Metamorphosis remodels insect brain jette un nouveau regard sur un organe en particulier : le cerveau. Quand on s’intéresse à la zone dévolue à la mémoire et à l’apprentissage, on constate deux contingents neuronaux dont la destinée diffère ; l’un sera incorporé au cerveau adulte tandis que l’autre se mobilise pour intégrer de nouveaux circuits. Ces neurones “en déplacement” appartiendrait en fait au cerveau ancestral et ne seraient qu’en visite dans le cerveau larvaire ! D’où l’hypothèse que le cerveau adulte est la forme la plus ancienne et que le cerveau larvaire est apparu plus tard dans l’évolution. Il s’en suit des question aux perspectives sans limites comme la suivante : peut-il y avoir persistance d’une mémoire associative dans ces conditions entre la larve et l’adulte, et si oui, comment est-elle possible ? Mais aussi, que se passerait-il si l’on introduisait un neurone adulte dans un cerveau larvaire ?

Le coeur a ses raisons..

août 4th, 2023

Considéré comme le centre des émotions, le coeur pour Aristote l’emportait largement sur le cerveau qui n’aurait servi qu’à refroidir le corps. En cela il était en complet désaccord avec Hippocrate qui lui considérait que c’était bel et bien dans le cerveau que naissaient les émotions. Aujourd’hui on serait autorisé à dire “en même temps”, car l’un ne va pas sans l’autre ; mais le doute était-il réellement de mise tant l’expérience allait dans ce sens. Quoiqu’il en soit, il est bon que les résultats de la démarche scientifique puissent apporter une éclatante confirmation à l’intuition. C’est ce que présente l’article The Heart Can Directly Influence Our Emotions. Qu’il y ait un intérêt certain à valider une sensation ou une conviction ne va pas, dans le cas présent, sans apprécier pleinement les avancées dans un domaine situé aux confins de la psychologie et de la physiologie dans une voie à double sens dont il est bien difficile de faire émerger le “primum movens“. Heureusement grâce à la découverte (déjà ancienne) de protéines “outils”, il est devenu possible de suivre avec précision l’activité neuronale de telle sorte que l’on peut manipuler des cellules aussi profondes que les cellules cardiaques. Que constate-t-on : 1) l’augmentation du rythme cardiaque n’altère pas le comportement de la souris, 2) l’altération comportementale intervient quand l’animal est placé dans une situation inhabituelle ce qui signifie que l’environnement joue un rôle. Deux zones sont encore en compétition pour parler au coeur : le cortex insulaire postérieur et le cortex préfrontal. Reste à déterminer lequel sans exclure la possibilité que ces deux zones ne répondent pas dans un même temps ! Mais il s’agit de l’homme et non pas d’une souris. Alors qu’en est-il de sa gestion du stress quand son rythme cardiaque s’accélère dans un environnement devenu hostile ?

Etre en phase !

juillet 17th, 2023

L’existence des ondes cérébrales est reconnue depuis la découverte de l’Electroencéphalogramme (EEG) et l’exploitation de ses enregistrements. Il fallut amplifier le signal recueilli pour que plusieurs types d’ondes deviennent exploitables et soient rapportées à différents états physiologies dont les plus simples veille et sommeil. Les félidés furent largement exploités à cette époque et les expérimentateurs n’hésitaient pas à implanter des électrodes intracérébrales. Loin de ces pratiques barbares, on utilise aujourd’hui d’autres procédés dans les études cérébrales en particulier l’IRMf et la spectroscopie fonctionnelle. Les résultats des tests de neurophysiologie collective viennent de donner des bases solides à l’expression “être en phase avec” (The mystery of brain-wave synchrony) : “Des études ont montré que lorsque deux personnes interagissent de manière étroite, leurs activités cérébrales peuvent se synchroniser. Cela signifie que les patrons d’activité neuronale dans leurs cerveaux se ressemblent et se coordonnent”. Cette découverte est rien de moins que fascinante ! Les études effectuées sur les chauve-souris ont mis en évidence l’implication du phénomène dans les interactions sociales, phénomène retrouvé chez l’homme ! L’enregistrement de l’activité des neurones séparément a même montré qu’il existe une possibilité que des neurones codent différemment pour le soi ET l’autre ! Ces études portant sur le phénomène de synchronie sont loin d’avoir été décryptées dans leur totalité mais, ne serait ce que leur implication dans les interactions sociales ouvrent un champ d’une immensité incroyable dans les études de sociologie comportementale des groupes d’individus.

Pour le meilleur

juillet 6th, 2023

C’est l’histoire d’une de ces associations à laquelle on ne pensait pas, mais qui se révèle riche d’effets. Si l’organisme humain ne sait pas régénérer un membre, ne sait pas interrompre son vieillissement, il sait néanmoins se protéger contre un certain nombre d’attaques venues de l’extérieur. Parmi celles ci, on sait que le revêtement cutané joue un rôle important tant par l’étendue de sa surface que par ce qu’il renferme. Lieu privilégié pour de premières rencontre de par sa position, il ne cesse d’être l’objet de recherches appliquées. Portant le patronyme de son inventeur, Marcello Malpighi (XVII ème siècle), il n’a cessé depuis de montrer la richesse de ses fonctions, passant de la barrière inerte à la frontière intelligente. Aujourd’hui un article How Cells in the Skin Team Up To Fight Pathogens, met en évidence une association efficace entre le système nerveux périphérique et des cellules à rôle immunitaire avec les images d’un entrelac entre axone et cellule. Cette proximité préférentielle autorise une communication adaptée au stimulus agressif avec la sécrétion de l’IL 23. C’est à partir d’une constatation clinique qu’une expérience a été construite puis analysée pas à pas en passant de l’étude chez l’animal à la coculture. Il a ainsi pu être démontré que s’il existait une attraction entre le neurone nociceptif et la cellule dendritique elle était à mettre en rapport avec une chimiokine, la CCL2. Puis ce fut un neuropeptide signal, le CGRP qui fut impliqué, puis l’ouverture des canaux calciques membranaires. Si des application thérapeutiques sont envisageables, on doit également insister sur la réalité des actions en chaîne et leur importance et continuer d’admirer Claude Bernard qui tel un Dorian Gray ne vieillit toujours pas !

Du prêt à porter au sur mesure !

juin 30th, 2023

Se rapprocher au plus près des conditions réelles dans lesquelles se développe un processus néoplasique est le voeu le plus cher de tous les thérapeutes. Les lois sont établies à partir d’échantillonnages représentatifs mais chaque individu reste une singularité qui ne s’inscrit pas nécessairement dans la moyenne voire dans la dispersion de la loi normale de Gauss. On sait que selon cette loi, telle thérapeutique montre son efficacité dans la majorité des cas mais on sait également qu’il existe des patients qui échappent à ce schéma. Il faut donc imaginer et se donner les moyens de réaliser l’adéquation parfaite entre la néoplasie de la personne X et le traitement qui va lui être apporté. Dans ce but l’idée est de reproduire au plus près les conditions dans lesquelles se développe la tumeur située qu’elle est dans un organisme qui lui répond par une modification de la structure de son environnement immédiat. Le défi est donc de réussir à reproduire artificiellement et le plus exactement possible les conditions réelles pour que la thérapeutique adoptée soit la mieux adaptée. Les cultures cellulaires bidimensionnelles du début du XXème siècle ont ainsi laissé la place aux cultures tridimensionnelles parmi lesquelles la technique des organoïdes permet une meilleure compréhension de la réalité des phénomènes. En effet ” Les agrégats cellulaires reflètent la signalisation moléculaire qui se produit entre les cellules d’un même tissu en permettant des interactions cellule-cellule et cellule-matrice. De plus, les cultures 3D permettent des études plus fiables concernant les aspects biologiques tels que la viabilité, la prolifération, la morphologie, la différenciation et le métabolisme des médicaments” : c’est le sujet de l’article A 3-D Tumor Microenvironment for Personalized Immunotherapy. Une élégante manière d’aborder la difficulté de la “multifactorialité” d’un évènement en biologie comme ailleurs !

Le genre et le chromosome Y

juin 26th, 2023

Il n’est pas impossible que tout ait commencé avec la création de la femme telle qu’elle est décrite dans la Genèse. Mais si elle provient d’une côte de l’homme elle est aussi celle qui “lui sera une aide semblable à lui”, ce qui n’est pas de tout le cas pour la femme que Zeus envoie à Epiméthée, car elle a été conçue pour lui être indispensable tout en étant la cause de tous ses maux. Interrogée par la place de la femme dans la société, S. de Beauvoir obtient en 1949, un réel succès quand elle écrit sur ce deuxième sexe soumis au sexisme masculin. Plus loin se situe la Gender Theory de J. Butler pour qui le “genre construit le sexe : s’il existe des différences biologiques, elles ne sont pas en elles-mêmes significatives“. Aujourd’hui, il existe donc des individus qui se disent “non binaires” ne se reconnaissant ni du sexe masculin, ni du sexe féminin. Pourtant, il existe bel et bien un sexe biologique auquel font partie les chromosomes. Ainsi existe-t-il une différence entre la formule chromosomique de l’individu de sexe féminin XX et celle de l’individu le sexe masculin XY. Qu’il n’en déplaise à ces nouveaux humanistes, un article est là pour rappeler cette vérité première en décrivant les dégâts qui peuvent être rapportés justement à cette différences : Y chromosome affects cancer risk. La différence de comportement de certaines néoplasies entre hommes et femmes avait déjà été notée mais avait été mis sur le compte de facteurs environnementaux, tel le mode de vie. En fait cette différence vient aussi d’être rapportée au chromosome Y porteur du gène KDM5D. S’il est certain qu’habiter son corps est une préoccupation majeure, il convient également de ne pas oublier que ce corps appartient à ses chromosomes !

La question et sa réponse !

juin 16th, 2023

L’efficacité de la démarche dépend de la réponse à la question. Et la réponse à la question est tout sauf simple car la question est rien moins que simple ” Comment décide-t-on qu’une espèce a disparu” (How Do Scientists Decide a Species Has Gone Extinct?). En d’autres termes, comment prouver qu’une espèce a disparu, soit donc encore, sur quelles preuves peut-on affirmer qu’une espèce a disparu. Ce qui pose la question ô combien subtile : comment prouve-t-on l’absence ? En effet déclarer une espèce éteinte est aujourd’hui une préoccupation essentielle de ceux qui affirment que l’anthropocène, même si ses débuts sont encore incertains, pourrait être l’ère de la septième extinction de masse. Et donc, dans cette optique, il est ABSOLUMENT INDISPENSABLE de pouvoir/savoir affirmer une disparition. Pour ce faire, il existe plusieurs façons de procéder : s’appuyer sur des preuves logiques, des preuves empiriques, ou l’absence de preuves contraires. C’est majoritairement les secondes que les chercheurs documentent sans négliger le fait que l’exhaustivité n’est pas de ce monde ! Or la réponse est lourde de conséquences, en effet, déclarer qu’une espèce est éteinte entraine ipso facto son retrait de la liste des espèces à protéger, ce qui est on ne peut plus normal, puisqu’elle n’existe plus ! Mais attention, danger, si “par le plus grand des hasards” elle existait encore, elle risquerait l’extinction ! C’est ni plus ni moins le concept des sciences sociales et psychologiques dit “de prophétie autoréalisatrice”. On tourne en rond ! Que faut-il faire ? C’est alors que la démarche méthodologique prend toute sa valeur : comment estimer la probabilité d’extinction de l’espèce considérée. La rigueur d’une étude expérimentale reste un incontournable, aucun changement depuis Claude Bernard !

Mission spatiale

juin 6th, 2023

Nombreuses sont les oeuvres imaginant les voyages extra terrestres humains avant que ceux-ci ne deviennent réalité. Lucien de Samosate au deuxième siècle ap. J.-C voyage dans l’espace dans un bateau que meut une violente tempête, Cyrano de Bergerac au XVII ème siècle utilise la rosée, et le bateau à moins que ce ne soit un boulet de canon, sert un siècle plus tard au baron de Münchhausen. Plus proche de la réalité du XX ème siècle, Jules Vernes met en scène une fusée que Méliès plante dans l’oeil de l’astre d’argent. Le premier vol habité date de 1957 et la chienne Laïka en profite pour décéder dans l’espace. Puis c’est le chimpanzé Ham qui précéde l’homme de seulement quelques mois. Aujourd’hui, la conquête de l’espace est confiée à un nouvel “organisme vivant” , un organoïde cérébral (Time Traveling Mini-Brains on a Mission to Conquer Space). Peu encombrant, assez peu prolixe sur ses impressions de voyage, il devrait pourtant être riche d’enseignements. Parce que le voyage spatial entraine un vieillissement accéléré des cellules de l’organoïde, elle servent à étudier les effets de la microgravité en l’absence de toute manipulation génétique. En fait, l’idée est d’utiliser les voyages spatiaux comme incubateurs de vieillissement ! L’homme a en effet un trop long cycle de vie pour pouvoir être étudié sur plusieurs générations comme la mouche ou la souris ! Néanmoins, ces organoïdes cérébraux, deviennent de plus en plus “élaborés” : ils peuvent fournir des ondes cérébrales et percevoir des stimuli, visuels en particulier ! Et donc se pose le problème de l’existence de leur “possible” conscience ! Pour l’Académie de Médecine (16 mai 2023) “les activités cellulaires observées dans ces organoïdes cérébraux ne peuvent être assimilées aux processus cognitifs, sensoriels ou moteurs propres au cerveau humain”. Il n’est donc pas utile de leur demander leur avis avant de les envoyer sur Mars !

L’homme est naturellement sociable

juin 5th, 2023

Deux grandes idées s’affrontent depuis que l’homme est sujet de réflexion. Pour les uns, c’est un être sociable, pour les autres, c’est un redoutable prédateur à commencer par son voisin, homme lui-même. Les exemples des deux positions abondent et n’ont pas fait avancer la discussion jusqu’à aujourd’hui. Il se pourrait que la participation des biologistes de l’évolution aide les belligérants à la fois sur le sujet mais également sur d’autres qui leur seraient contingents. Il s’agit du séquençage de seize familles de primates (https://www.nature.com/articles/d41586-023-01776-6?utm_source=NatBiggest%20ever%20study%20of%20primate%20genomesure) . Ainsi la comparaison des génomes de singes “sociaux” avec le génome de singes “moins sociaux” met en évidence l’existence de gènes qui seraient liés à la taille des structures sociales. Ces changements auraient partie liée avec des neurohormones cérébrales, la dopamine et l’ocytocine. Or il vient d’être montré que l’ocytocine n’est pas indispensable chez les campagnols des prairies pour qu’ils forment des liens sociaux normaux. En effet ces derniers sont dépourvus de récepteurs à ocytocine ce qui ne les empêche nullement de former un couple stable (https://www.the-scientist.com/news-opinion/monogamous-rodents-dont-need-love-molecule-to-pair-up-70924) ! Il est évident que le Microtus, campagnol des prairies n’est pas un Rhinopithecus roxellana, singe doré, de même que ni l’un ni l’autre ne sont des homines sapientes ! Comme d’habitude, c’est à dire depuis très longtemps, les résultats de travaux obtenus chez l’animal doivent être regardés avec circonspection avant que d’être appliqués à l’homme selon un raisonnement fondé sur l’analogie. Néanmoins ils ont le mérite de donner des pistes de réflexion.