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Sujet à discussions

samedi, décembre 2nd, 2023

Ci après, deux articles parus respectivement le 21 novembre (AI could find research ‘blind spots’, in Nature briefing) et le 23 novembre (ChatGPT generates fake data set to support scientific hypothesis, in Nature). Tous deux volent sur les ailes de l’actualité puisqu’il y est question d’IA. Pourtant les chemins suivis divergent considérablement et l’on est même en droit d’y reconnaître quelques discordances. D’une part l’association robotique/intelligence artificielle est à même de procéder à la “découverte” de nouveaux matériaux susceptibles d’apporter des améliorations dans le domaine de la technologie. C’est ainsi que si des milliers de matériaux inorganiques ont été créés, des milliards pourraient également voir le jour. Cette création d’abord virtuelle doit franchir le cap de la réalisation pratique. Cette deuxième étape indispensable n’est pas nécessairement vouée à la réussite mais tel l’humain, l’IA apprend de ses erreurs et est en mesure de les corriger, d’où l’efficacité inégalée de l’association. Même s’il s’agit d’un domaine différent, la médaille a son revers puisqu’il s’agit également de l’utilisation de l’IA. A partir d’une affection cornéenne connue pour laquelle il existe deux traitements, il a été demandé de démontrer la supériorité de l’une de ces méthodes en s’appuyant sur l’analyse comparatives de deux séries. D’une façon tout à fait comparable à la réalisation d’une étude basée sur deux cohortes, l’IA a “construit” des ensembles de données plausibles mais “fausses”. Seule une analyse approfondie est à même de détecter qu’il s’agit de données générées par l’IA. Il est évident que l’on s’adresse là encore à des avancées techniques humaines dont la finalité répond à leur utilisation. Ainsi en est-il du marteau qui est une arme par destination et non pas par nature ! Ce qui atteste de la liberté de l’homme.

Ensemble, pour le meilleur et pour le pire

samedi, novembre 18th, 2023

Le pediculus capitis, vulgairement dénommé poux de tête, est présent probablement depuis environ deux millions d’années, et les traces les plus anciennes du genre Homo remontent à plus de deux millions d’années (Homo habilis 2Ma,8). Qu’on le croit ou non le premier accompagne le second depuis autant de temps ! L’action du premier sur le second ne devait pas être fondamentalement différente de son action actuelle et peut-être les Homines habiles cherchaient-ils les poux dans la tête de leur parentèle. Mais là n’est pas le propos. Cette association, à but non lucratif, se révèle particulièrement intéressante dans le domaine de recherche des migrations de populations (Head lice invaded the Americas alongside the 1st humans). Ainsi les analyses génétiques des poux d’Amérique du Nord et des poux d’Amérique Centrale ont montré des différences qui permettent d’interpréter les mouvements des populations primitives. Il est en effet possible de distinguer des déplacements depuis la Sibérie du Nord et l’Asie de l’Est vers le continent américain. Mais l’histoire du poux ne finit pas avec les premiers habitants puisque des phénomènes de colonisation peuvent être suivis jusqu’à la seconde guerre mondiale. Ainsi peut-on se poser la question de savoir s’il convient d’éliminer les poux étant donné leur importance scientifique ?

Subjectivité sensorielle

vendredi, novembre 10th, 2023

Se méfier de ses perceptions est un étape indispensable à l’exercice du doute. Le monde dans lequel vit l’homme est-il ou non une réalité ? Cette question sans âge mais pas sans intérêt, est la première marche à la mise en place du doute rationnel. La perception du temps représente le paradigme de la subjectivité. D’expérience courante, l’attente dans des conditions différentes mais dans un temps d’horloge identique ne semble pas s’écouler de manière identique ! Ce qui porte à croire que le temps peut tout aussi bien ralentir que s’accélérer ce qui par ailleurs est du domaine courant au fur et à mesure du vieillissement humain : avec l’âge le temps court de plus en plus vite. La question est donc la suivante “Comment le cerveau traite-t-il le temps ? ” En fait la perception du temps est consubstantielle à la perception de l’environnement de l’individu en cause (Why does time slow down in near-death experiences?). Comme par ailleurs le cerveau a enregistré des faits antérieurs eux-mêmes inscrits dans un environnement sensoriel il ne s’agit jamais d’une perception première, entachée qu’elle est d’un avant. L’idée de l’auteur est que l’adaptabilité du temps s’inscrit dans une démarche d’amélioration de la survie de l’individu. Ainsi la sensation “subjective” d’un allongement du temps permettrait une meilleure prise en compte des informations permettant d’éviter des actions trop rapides et de ce fait inadaptées. Si l’on adhère à une vision finaliste de l’existence de l’être vivant il est logique d’imaginer que les processus adaptatifs se succèdent dans le but d’une amélioration progressive même si la finitude reste de rigueur !

Le locuteur et le linguiste

mercredi, octobre 25th, 2023

Si le passage de l’oralité à la scripturalité a été largement investigué, l’apparition de la parole chez l’homme est un sujet particulièrement pauvre en données exploitables. Dans ce domaine les spéculations vont bon train. Rousseau avait quant à lui une théorie selon laquelle la parole est apparue après ce qu’il nommait “le cri de nature”, quand l’homme a rencontré l’homme, quand il devenait indispensable de comprendre son voisin autrement que par une gestuelle corporelle. Une deuxième étape dans ce processus de la parole se reproduit avec le nouveau né qui doit acquérir une expression orale compréhensible. Des théories modernes supposent que le babillement comparable à celui des oiseaux, signe la naissance du langage chez le petit d’homme. Outre les questions portées par l’apparition du langage, il en existe d’autres en particulier celles qui s’inscrivent dans le domaine de la linguistique. Même s’il s’agit d’une science descriptive elle n’est pas exempte d’interrogations. Et cerise sur le gâteau un article récent How grammar influences perception, pointe du doigt une nouvelle facette, l’exploration, les rapports entre la langue et la perception. C’est assez dire que l’on aborde un champ encore plus complexe puisque de la perception à la parole primitive on passe de la parole à la perception seconde ! On sait déjà qu’il existe une cinquantaine de mots pour parler de la neige chez les inuits, la neige qui tombe n’étant pas celle qui va tomber, il ne s’agit donc pas de la même neige et il n’est pas inexact de la nommer différemment ! Mais il s’agit encore dans l’article sus cité d’un autre aspect, à savoir l’influence de la grammaire sur la perception de celui/ceux qui utilise(nt) la dite grammaire. La question de fond étant de savoir si tous les hommes perçoivent le monde de la même façon ! En fait ce qui semble se détacher des enquêtes menées à partir des langages australiens indigènes (cf l’article cité) c’est l’existence de nombreuses boucles rétroactives liant pour le meilleur, la langue, la culture, le savoir. Ainsi serait-il illusoire de vouloir envisager séparément ce tout qui pourrait définir l’humanité.

La bibliothèque invisible !

lundi, octobre 16th, 2023

Pline l’Ancien commandait la flotte romaine à Misène lorsqu’il fut témoin de l’éruption du Vésuve en l’an 79 apr. J.-C. Il vogua alors pour porter secours à la population mais décéda sans que l’on connaisse exactement les conditions dans lesquelles il perdit la vie. Déjà connu pour ses qualités d’écrivain le personnage s’inscrit également, bien que de façon indirecte, dans cet épisode en suivant un chemin assez tortueux. Pline l’Ancien était un naturaliste compétent auteur d’ une monumentale encyclopédie intitulée Histoire naturelle. Il y décrivit entre autres, plusieurs types de gastéropodes marins très appréciés des Romains puisqu’ils étaient utilisés pour la teinture de leurs toges dont chacun connait la teinte pourpre. Le Bolinus brandarisfut, objet de ses propos, proche de Hexaplex trunculus également connu sous le nom de murex trunculus. Pour en revenir à l’éruption du Vésuve, si celle-ci réduisit en cendres les villes de Pompéi et d’Herculanum, elle ensevelit sous les éjectas volcaniques habitants et habitations parmi lesquelles des bibliothèques renfermant des centaines de manuscrits. Devenus illisibles parce que carbonisés et donc “indépliables” les rouleaux semblaient narguer les chercheurs. Cette étape a été franchie First glimpse inside burnt Roman scrolls et le résultat donne le frisson a d’innombrables amoureux des textes de l’antiquité gréco-romaine. Pour ce faire il faut trouver “les zones de papyrus recouvertes d’encre”, “numériser”, “mettre en commun les informations”, appliquer “l’ALGORYTHME“. C’est alors qu’apparait le mot magique “πορφύρας,”,violet, dont il a été question plus haut. Ce mot ou un autre, ce n’est pas l’affaire …, le merveilleux tient à la possibilité de “lire” l’illisible. Grâce en soit rendue à la technique et à l’envie des passionnés de textes anciens de se lancer des défis !

Fausse image

dimanche, octobre 1st, 2023

Définition du Littré pour image : “Ce qui imite, ce qui ressemble, ressemblance (sens propre du latin imago)”. Comment qualifier alors l’image du Pape François, vêtu d’une élégante doudoune blanche, ayant enchanté dernièrement les réseaux sociaux ? Chercher l’erreur est une démarche difficile puisqu’il faut envisager deux façons d’aborder l’image. Puisqu’elle est “imitation, ressemblance”, elle n’est pas fausse et pourtant dans le même temps, elle l’est. Il s’agit bien du Pape François et rien n’interdit qu’il ait pu porter le vêtement incriminé. De nombreuses œuvres d’art représentent des personnages dont l’existence est prouvée mais dont les représentations ont été modifiées par l’artiste sans que l’on crie au scandale, sans que l’on aborde le thème de l’information mensongère. De même existe-t-il des pastiches célèbres dont on saisit fort bien qu’il s’agit “d’une imitation du style d’un auteur ou artiste, mais qui ne vise pas le plagiat”. Il y a donc dans l’image susdite une intention absente des deux exemples cités, celle de tromper volontairement. Aujourd’hui les outils techniques sont à ce point performants que toute image, tout discours, demande à être “testé”. La société se penche donc sur les moyens qui lui permettront de déjouer la tromperie, et il en existe. Mais comme le fait remarquer l’article “How to stop AI deepfakes from sinking society — and science“, la question à laquelle il faudrait pouvoir répondre n’est pas “comment” mais “pourquoi“. Car il s’agit bel et bien là, d’un double symptôme sociétal : la volonté de nuire du côté de l’auteur qui repose sur l’absence d’esprit critique de la part de celui auquel il s’adresse. En cause, l’absence de toute notion d’éthique, aussi bien de responsabilité que de conviction de la part du premier et la méconnaissance de la gestion de la temporalité pour le second. Les outils de détection pour déjouer la falsification ne résoudront pas les insuffisances dont souffre la société actuelle.

Un sujet de controverse

lundi, septembre 25th, 2023

En 2004, Giulio Tononi propose une théorie mathématique de la conscience sous le nom de théorie de l’information intégrée (ITT). Nul n’ignore que “la conscience reste l’un des plus grands mystères de la science” dont la nature “insaisissable” a “suscité de nombreuses théories et débats“. A l’heure de l’intelligence artificielle (IA) la question se trouve non seulement sous les projecteurs mais elle se greffe sur cette autre que pose l’état de conscience ou non des animaux d’expérimentation comme les pieuvres dépourvues de cerveau anatomiquement défini. “L’ITT suggère que la conscience émane d’un système qui génère plus d’informations en tant qu’ensemble intégré que la somme de ses parties. La mesure clé de l’IIT est appelée Φ (phi), une mesure de l’information intégrée dans un système. En termes simples, elle quantifie l’information qui est générée par l’ensemble du système, au-delà de ce qui est produit par ses parties individuelles. Plus le phi est élevé, plus le système est considéré comme conscient”. Pourtant l’ITT ne constitue pas à elle seule l’explication de ce qu’est la conscience et plus grave la théorie est aujourd’hui battue en brèche voire même réfutée jusqu’à être qualifiée de “non scientifique”. Il faudrait donc en revenir à Karl Popper, spécialiste en la matière, selon lequel “le critère de la scientificité d’une théorie réside dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou encore de la tester » (Conjectures et réfutations, La croissance du savoir scientifique, pp. 64-65). Les critères retenus dans l’article pour juger de la scientificité de la théorie ITT font appel au procédé d’imagerie retenu, mais il n’est aucunement question de tester la théorie en s’appuyant sur “des expériences cruciales » toujours selon Popper. Peut-être la problème est-il mal abordé et les arguments non appropriés (Consciousness theory ‘is pseudoscience’)?

“Se rendre comme maîtres et possesseurs de la nature”

samedi, septembre 9th, 2023

Serait-on en droit de qualifier d”anti écologique l’attitude de R. Descartes quand il écrit à la fin du discours “De la Méthode”, la phrase suscitée ? il faut se rendre à l’évidence, la signification en est tout le contraire. En réalité il s’agissait simplement pour l’homme de comprendre la nature grâce aux progrès de la science de telle sorte qu’elle ne soit plus vécue comme un mystère porteur d’angoisse pour l’homme. Il s’agit de remplacer Dame Nature par une alliée régie par des lois qui permettent à l’humanité d’y vivre mieux mais aucunement de la maltraiter, de s’en servir comme Heidegger le dénoncera quelques siècles plus tard. Mais connaître la nature c’est aussi la respecter et il se trouve de nombreuses incidences où l’action humaine probablement par méconnaissance a eu de fâcheuses conséquences (10 times humans messed with nature and it backfired). Certains des exemples cités peuvent faire sourire, mais ils reflètent TOUS la vision étroite du terrien qu’il soit ou non compétent dans le domaine scientifique. Encore que celui-ci étant de plus en plus vaste, les “Pic de La Mirandole” sont nécessairement de plus en plus rares. La doctrine du double effet est connue depuis Saint Thomas D’Aquin au XIIIème siècle, c’est assez dire qu’elle pourrait être tenue pour acquise ! Elle avait été énoncée à l’époque dans le cadre de la morale mais elle ne diffère pas réellement de cette sentence du siècle précédent selon laquelle “L’enfer est plein de bonnes volontés ou désirs “. On ne peut jamais rapporter une action à un seul et unique effet. Plusieurs facteurs agissent de concert pour créer un effet global qui n’est pas la somme de chacun mais plus. Et c’est donc bien la méconnaissance des lois de la nature qui expliquent certaines catastrophes quand l’homme se mêle de toucher à ce qu’il ne connaît pas et il est à prévoir que l’écologie irresponsable s’engouffre dans cet inconnu.

Conscience es tu là ?

dimanche, septembre 3rd, 2023

L’Intelligence Artificielle est à ce point à l’ordre du jour que les questions la concernant abondent. Une parmi les plus explorées concerne “la conscience” dont chacun sait que la définition chez l’homme est loin d’être univoque. “La conscience chez l’homme fait référence à la capacité de percevoir, de ressentir, de penser et d’avoir une connaissance de soi et de son environnement. C’est un état mental qui englobe divers aspects de l’expérience humaine, y compris la perception sensorielle, la pensée, l’émotion, la mémoire, la réflexion et la conscience de soi” ce qui se traduit par le fait que “La conscience peut être divisée en plusieurs composantes ou niveaux”. C’est la complexité du sujet qui a invité les responsables de différents domaines à dresser une liste aussi complète que possible (l’exhaustivité n’étant pas de ce monde !) des thèmes qui devraient être explorés à charge de définir si l’IA a acquis une conscience qui la rapprocherait de l’humain (A checklist for AI consciousness). En effet, l’apparition d’un certain de gré de conscience entrainerait un changement conséquent dans l’appréhension de cette nouvelle entité. Encore que l’expression “un certain degré de conscience” devrait lui aussi être défini. S’agira-t-il de certaines des composantes retenues comme nécessaires à la définition de la conscience et si oui lesquelles, ou devra-t-on considérer toutes celles qui ont été listées en faisant confiance à l’énumération proposée ? Actuellement les travaux reposent sur deux approches qui mélangent le domaine informatique de l’AI et les neurosciences appliquées à l’homme. Et le résultat est que l’IA n’aurai pas encore les capacités d’acquisition de la conscience. Mais quel type de réponse obtient-on quand on pose une question dont les termes sont sujet à discussions ?

L’embryon et la science

samedi, août 26th, 2023

Même si l’embryon est un être en devenir, jusqu’à la huitième semaine il n’est pas une personne car n’ayant pas de personnalité juridique. C’est pourquoi, sans que le terme soit explicitement utilisé, il est souvent assimilé à une “chose” puisque seule” la naissance constitue le point de départ de la personnalité juridique à condition pour l’enfant de naître vivant et viable”. Lorsqu’il s’agit d’un embryon in vitro, et en l’absence de projet parental, la recherche médicale est autorisée jusqu’au quatorzième jour. Mais la recherche fondamentale a inventé le “modèle d’embryon” obtenu à partir de cellules souches humaines aptes à reproduire le développement de structures de type embryonnaire. Aujourd’hui se pose la question d’une redéfinition de l’embryon (Embryo definition needs to change) dans la mesure où les processus évolutifs ultérieurs à cette date fatidique ne peuvent être étudiés laissant un champ inexploré dans le développement humain et ses altérations. Il conviendrait donc de pouvoir établir une différence entre “embryon humain” et “modèle d’embryon” eu égard aux questions éthiques et juridiques qui se posent obligatoirement dans ce cas de figure En effet, le point d’achoppement est de savoir si un modèle embryon est dans la capacité de se développer jusqu’au stade foetal ? Actuellement probablement pas, mais qu’en sera-t-il si les difficultés sont levées et dans ce cas faut-il travailler à lever ces difficultés ? En tout état de cause est-il temps de procéder au changement de définition de l’embryon humain ? Existe-t-il une différence entre le produit obtenu par fécondation in vitro dans le cadre d’un projet parental et en l’absence de celui-ci ? La seule question est donc à la suivante : Le “vouloir” est-il gage d’une humanité en devenir ?