Parce que la faillibilité est consubstantielle à la nature humaine, s’il est absolument indispensable de ne pas assimiler doute et incertitude, il est tout aussi indispensable de reconnaître qu’ils sont indissociablement liés. Si le doute est le principe moteur pour Descartes puisqu’il le conduit à la preuve de son existence, l’incertitude est la base de la physique quantique : on ne peut donc leur nier une incontestable valeur même s’il s’agit de deux champs quelque peu éloignés. Aujourd’hui l’humanité confrontée à de nouveaux défis se doit de douter dans ce moment d’incertitude extrême pour faire front et mettre en oeuvre un indispensable acte de résistance (Uncertainty can sharpen our thinking). L’incertitude convoque la réflexion et élargit le champ des investigations, le doute autorise la remise en question : tous deux travaillent de concert. L’épistémologie est la preuve de l’efficacité de cette association mais aussi de son absolue nécessité. Il est à la fois impératif de bannir à jamais la vulgate populaire selon laquelle “Dans le doute abstiens toi” pour faire sienne cette autre “Il faut douter de tout, c’est la seule certitude”.
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Le Doute et l’Incertitude
mardi, janvier 26th, 2021Le Complot en question
jeudi, janvier 21st, 2021Que l’on se réfère à la définition donnée par le Dictionnaire Littré ou celui de l’Académie Française, le terme “complot” a pour sens “une action secrète qui a pour but de nuire”. L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers justement parce qu’il est raisonné, n’est-on pas au siècle des Lumières, ajoute à la définition plusieurs domaines dans lesquels peut s’exercer ce qui porte aujourd’hui le nom de théorie du complot, complotisme ou conspirationnisme. Qu’il se situe dans le registre de la morale, de la logique ou du droit commun selon Diderot et D’Alembert, le complot appartient tout autant au passé, au présent qu’à l’avenir car il est à l’évidence terriblement attractif (What makes conspiracy theories so appealing?) et peut-être est-ce la raison pour laquelle il défie le temps. Un groupe d’individus qui adhère à la théorie du complot est en quête d’une explication à un état de faits qu’il n’accepte pas. L’irrationalité ressentie appelle une démonstration qui se veut rationnelle mais dont les arguments ne le sont pas. C’est l’épistémologie qui renseigne le mieux sur cet autre biais cognitif : l’individu ne possède qu’un très petit nombre d’outils du savoir, néanmoins une grand partie des informations qui sont en sa possession sont vraies et donc de nouvelles informations deviennent-elles facilement acceptables comme l’étant parce qu’elles se noient dans les précédentes. Comme par ailleurs l’individu a tout autant que la nature horreur du vide, il préfèrera une explication quel quelle soit à son absence ! Dès lors comment faire, sinon reconnaître l’existence et la force du doute positif. !
Douter, il en restera toujours quelque chose !
dimanche, juin 28th, 2020Comment le monde des probabilités est-il contingent de la société ? Comment aujourd’hui la gestion d’une crise sanitaire par un nouveau virus dont on ne sait donc nécessairement rien se satisfait-elle de probabilités ? La réponse est simple et brève ” Elle ne s’en satisfait pas”. La société française n’a-t-elle pas inscrit dans sa constitution, Le principe de précaution, qui peut se résumer à l’injonction suivante : prudence dans l’action par rapport aux risques potentiels. Aristote déjà avait différencié “… les évènements nécessaires qui doivent se produire ou très fréquemment, des évènements fortuits, accidentels ou contingents qui peuvent se produire ou non…”. D’où cette question qui donc ne date pas d’hier : Que faire quand on ne sait pas ? Interroger la pythie, s’en remettre aux haruspices, modéliser, car on s’agenouille devant la certitude qui clot le débat tandis qu’on voue aux gémonies le doute qui le permet. C’est alors que la solution s’impose : jouer au poker (What the world needs now: lessons from a poker player) ! Savoir combiner recueil puis interprétation des informations en acceptant la participation du hasard pour l’inclure semble aujourd’hui une équation impossible à résoudre. S’il n’est pas évident d’être au courant des différences entre statistiques fréquentistes et statistiques bayésiennes (http://www.jybaudot.fr/Probas/bayes.html) pour parfaitement les manipuler, il n’est pas inutile de réintégrer dans l’apprentissage scolaire (?) la différence entre le doute destructeur opposé à la valeur incomparable du doute constructif.
Le doute détourné
dimanche, février 9th, 2020Pour faire simple, on peut schématiquement envisager deux faces au doute : celui de Pyrrhus d’Elis et celui de René Descartes. Le premier est un philosophe sceptique enseignant que l’homme ne peut atteindre la Vérité. Le second est un philosophe scientifique enseignant que l’homme atteint la Vérité en se basant sur le doute méthodique. Mais qu’est le doute qui trompe ? C’est ce dont traite l’article, Truth decay: when uncertainty is weaponized ( https://www.nature.com/articles/d41586-020-00273-4?utm_source=Nature+Briefing&utm_campaign=35053716f5-briefing-dy-20200207&utm_medium=email&utm_term=0_c9dfd39373-35053716f5-43241421 ) : rien de moins que la Double pensée, inventée par George Orwell et qui n’a d’autre but que de supprimer tout esprit critique. Les tenants de cette option ne manquent pas politiciens, économistes, scientifiques (liste non exhaustive). Leur travail est d’autant plus facile qu’ils sont naturellement servis par une prédisposition reconnue qu’a l’homme de croire plus volontiers ce qui conforte un a priori de ses opinions. Point n’est besoin de forcer le trait : que le doute aille dans le sens ou a rebours de ce que pense l’individu ciblé ce dernier se verra renforcer dans ses idées premières. On pourrait imaginer l’utilité et la bienveillance de cette “boîte à outils” dans le cadre d’une information qui éduque. Malheureusement les exemples sont plutôt en faveur de l’inverse, attitude d’autant plus malveillante qu’elle cible deux niveaux : la fausseté de la communication et la destruction de l’esprit critique. En vue l’anéantissement de l’exercice de la liberté ?
Et apres vinrent les questions
jeudi, août 9th, 2018Là encore, pour cette situation, il existait un dicton (l’utilise-t-on encore ?) selon lequel, l’enfer serait pavé de bonnes intentions. Et actuellement, de bonnes intentions le monde n’en manque pas ! On peut même affirmer sans se tromper qu’il croule sous le nombre a tel point qu’objectivement le peu de resultat est confondant. Pire ou mieux, quel est le qualificatif adapté quand premièrement de l’ébauche d’une réponse apportée à la question initiale en nait une seconde avant même que la première ne soit résolue, et que secondairement cette ébauche de réponse révèle son inutilité voire sa nuisance plutôt que son utilité ! Il existe une chaine d’évènements que nul ne peut contester mais dont les différentes étapes ne supportent pas le désordre. Si le questionnement est premier, la prise de décision ne devrait intervenir qu’après une estimation des risques qu’apportera la réponse choisie. L’acte décisionnel est loin d’être univoque et le temps est un facteur qui rentre largement en ligne de compte. Parmi les théories les plus récentes M. Weber a distingué l’éthique de responsabilité de l’éthique de conviction, Ph. Foot a argumenté entre l’éthique de la vertu et le conséquentialisme, et pour finir en février2005, le Parlement réuni en Congrès a inscrit dans la constitution la Charte de l’environnement le Principe de Précaution installant par là même le principe de précaution. Les débats restent virulents sur le concept du principe de précaution, mais ce qui est vrai c’est qu’il ne doit pas être l’équivalent d’un principe de non action mais au contraire donner toute sa valeur à la science qui est là pour lever le doute. Et les doutes fleurissent sur le terreau des bonnes intentions comme celui évoqué dans l’article Umbrella Species: Conservation’s Poster Children (https://www.the-scientist.com/features/umbrella-species–conservations-poster-children-64507) à l’origine de ce nouveau, nouveau concept, celui de l’espèce parapluie ou de l’espèce paravent qui pourrait à son tour s’avérer tout sauf sain et l’on en revient alors à cet autre concept de l’épée à double tranchant ! Reste possible le retour en arrière pour effacer une erreur que la décision prise par ignorance de certaines conséquences a rendu possible ! D’où encore l’ultime question : que fallait-il faire ?
Il y aurait-il doute et doute ?
vendredi, janvier 29th, 2016Doute fondateur ou doute destructeur, voila la question que l’on est en droit de se poser à la lecture de l’article, Found out (http://www.nature.com/news/found-out-1.19232?WT.ec_id=NATURE-20160128&spMailingID=50563385&spUserID=MjA1NTExOTM5MgS2&spJobID=843636789&spReportId=ODQzNjM2Nzg5S0). Le doute fondateur serait plutôt la version cartésienne tandis que le doute destructeur serait plutôt celle du mythe de l’imposteur. Mettre en doute toutes les connaissances en commençant par douter des perceptions sensibles permet d’installer le cogito. Ainsi la preuve de sa propre existence fonde-t-elle la possibilité d’une certitude à partir de laquelle la reconstruction devient possible. Mais selon son concepteur, la recherche et la pratique du doute ne sont peut-être pas à mettre entre toutes les mains ” … Épistemon : Je pense qu’il est très dangereux de s’avancer trop loin dans cette manière de raisonner …” (Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome XI.djvu/362, https://fr.wikisource.org/wiki/Page:%C5%92uvres_de_Descartes,_%C3%A9d._Cousin,_tome_XI.djvu/362) certains esprits fragiles pourraient y laisser toute leur raison. C’est à ce point qu’intervient le syndrome de l’imposteur (IMPOSTOR PHENOMENON (IP) , Pauline Rose Clance, http://paulineroseclance.com/impostor_phenomenon.html), qui exprime la peur de la réussite (pourrait être rattacher au fantasme masochiste) imposant au sujet l’idée d’une escroquerie qu’il se doit de masquer à l’inverse de l’effet de surconfiance (effet de Dunning Kruger, Unskilled and unaware of it: how difficulties in recognizing one’s own incompetence lead to inflated self-assessments, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10626367), ce que l’on pourrait traduire par : l’incompétent se surestime, le compétent se sous estime, d’où la prescription suivante : sachez et vous pourrez raisonnablement douter !
Découvrir
jeudi, avril 16th, 2015Découvrir : ôter ce qui couvre, montrer à la vue (il ne s’agit pas là du dévoilement heideggerien). Ainsi en est-il des découvertes, qui peuvent être fruit du hasard comme, vraie solution à fausse question ou à l’inverse fausse solution à vraie question, mais dans tous les cas, d’une acquisition à prendre en compte. Quelques exemples fameux ont marqué l’histoire parmi lesquels deux viennent immédiatement à l’esprit : l’Amérique de Christophe Colomb, la pénicilline de Flemming. D’autres sont moins connus qui appartiennent pourtant au domaine du quotidien : le four à micro ondes, le Post-it, le téflon, le velcro …. Ce que l’on sait encore moins, c’est qu’il existe un terme la sérendipité qui est le fait de « trouver autre chose que ce que l’on cherchait” (http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rendipit%C3%A9). On peut, à l’évidence, utiliser ce concept à l’encontre de la p53 comme le montre de façon particulièrement instructive parce qu’universelle, l’article Setbacks and Great Leaps (http://www.the-scientist.com//?articles.view/articleNo/42463/title/Setbacks-and-Great-Leaps/). Faut-il pour autant cesser de chercher comme l’évoque de façon humoristique le dessin ci dessus ? La réponse est à l’évidence non. Depuis Aristote, l’accent a toujours été mis sur la recherche des causes premières et Descartes ne l’a certes pas contredit, lui qui a mis le doute comme démarche première avec le Cogito, ergo sum, première certitude à partir de laquelle le doute peut être utilisé comme méthode. Et donc, s’il existe une scientifique attitude, elle ne peut résulter que d’une combinaison équilibrée entre rigueur et doute, doute et rigueur, chacun à tour de rôle et en refusant que le terme conclusion devienne synonyme de vérité absolue et définitive, en d’autres termes que le débat n’y trouve plus sa place.
C’est le doute qui est constructif !
mardi, septembre 24th, 2013Il n’échappe à personne que la vérification des étapes successives d’une expérience est cruciale. C’est ce qui aujourd’hui pourrait être assimilé à la déjà très fameuse bien qu’encore jeune traçabilité. Mais il se peut aussi qu’il ne s’agisse pas du déroulement de l’expérience en propre, mais d’autre chose qui peut se situer en amont de sa réalisation même. C’est ce dont traite l’article Lab Tubes Contaminated with Virus, (www.the-scientist.com//?articles.view/articleNo/37562/title/Lab-Tubes-Contaminated-with-Virus/). Dans le cas cité, le facteur en cause ne concerne pas la méthode rapide d’extraction de l’ADN sur colonne utilisée mais la fabrication de la colonne elle-même ! Et pour en arriver à cette conclusion, il faut étendre le champ des investigations au delà de ce qui est habituel. Lorsque les auteurs parlent d’une véritable enquête policière le terme est approprié. Mais ce qui est plus important encore, c’est de savoir ce qui peut déclencher une telle enquête : une discordance à laquelle il faut toujours être attentif et qu’il faut savoir non seulement rechercher mais accepter pour la dépasser. Ainsi seul le doute est capable d’initier une telle démarche. Le cogito conserve toute son actualité.