Archive for juillet, 2013

Des maux et leurs mots

mardi, juillet 30th, 2013

Boris Vian préféra choisir le nénuphar pour le poumon de Chloé plutôt que le  cancer. S’agissait-il uniquement d’une figure de style poétique ou bien était-ce aussi l’expression d’un refus, celui du terme même de cancer, d’un déni de cette maladie ? Selon la légende le terme revient à Hippocrate pour qui l’image du crabe correspondait parfaitement à l’hypervascularisation en périphérie du processus tumoral. Pourtant il est aussi vrai que des proliférations bénignes peuvent s’accompagner d’une hypervascularisation et qu’il est tout aussi vrai qu’il n’existe pas un cancer mais des cancers qui sont loin d’être équivalents. Mais in fine le dernier mot reste encore à la vulgate populaire qui en liant cancer  et absence de guérison entend le mot mort quand on prononce le mot cancer.  Il n’est pas inutile, pas plus qu’il n’est anodin que l’article « Scientists Seek to Rein In Diagnoses of Cancer », (http://well.blogs.nytimes.com/2013/07/29/report-suggests-sweeping-changes-to-cancer-detection-and-treatment/?_r=0) paraisse dans The Journal of the American Medical Association mais aussi dans le The New York Times Health/Science. En effet le progrès des méthodes de dépistage, les progrès de la biologie moléculaire ont cassé ladite maladie en une myriade d’affections qui partagent de moins en moins d’éléments communs. Mais progrès et information ne vont pas toujours de pair et l’avenir n’est pas exclusivement favorable quand la technique n’est pas maitrisée. C’est cette absence de maitrise qui autorise certaines dérives préjudiciables au patient faisant disparaitre les bienfaits qu’elle était sensée initier. Il faut certes pallier à cette immaturité mais le plus difficile ne serait-il pas ce nouveau vocabulaire à l’usage du public qu’il faudrait définir puis faire adopter aux praticiens pour que chacun soit au fait de ce que l’autre lui dit !

Savoir attendre

samedi, juillet 27th, 2013

On a récemment présenté l’utilité du « gazouillage scientifique » en live. Quand on s’apprête à suivre ce type de directive autant se munir d’une notice explicative dans le but d’aider à la compréhension des publications ultérieures venant infirmer les résultats antérieurs présentés comme définitifs. C’est ainsi qu’aujourd’hui paraît une mise au point concernant la découverte des VSELs ( very small embryonic like stem cells), mise au point en forme de duel (A Wild Stem Cell Chase, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36664/title/A-Wild-Stem-Cell-Chase/). Ces cellules qui devaient exister chez l’adulte étaient porteuses d’un immense espoir dans le cadre des réparations tissulaires mais elles deviennent objet d’affrontement entre le tenant de la théorie et son détracteur, ce dernier arguant que la reproduction à l’identique des expériences du premier ne mènent a aucun des résultats publiés. Que fera le lecteur de ces deux informations tweetées. Faudra-t-il rappeler en exergue de chacune que selon la théorie de réfutabilité de K. Popper il s’agissait bel et bien d’une théorie scientifique, puisqu’elle était  réfutable et qu’elle a été réfutée ? Si l’on se doit de ne même pas envisager le versant mercantile de l’affaire, il ne s’agit de rien d’autre que d’une action dans la précipitation contraire aux conseils aristotéliciens concernant le kairos,  mais  qui effectivement s’inscrit parfaitement bien dans la culture du tweet. Il ne s’agit ni de la première ni de la dernière remise en question dans le domaine de la science, tout chercheur responsable en est averti, c’est le temps de la communication qui est en cause, ce n’est pas jeter l’opprobe, c’est relativiser l’urgence. Ne craignons pas de le répéter : osons mettre le tweet scientifique en attente.

Fiat lux

samedi, juillet 27th, 2013

Depuis la nuit des temps, ou presque, un ver de la famille des nématodes émet une lumière bleue lorsqu’il est sur le point de mourir (Dying Worms Emit Ethereal Glow, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36670/title/Dying-Worms-Emit-Ethereal-Glow/), depuis la nuit des temps, mais est-ce vraiment la même, le calmar peut ajuster la lumière qu’il émet de la façon la plus fine qui soit par exemple pour se protéger (Groovy Color, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36127/title/Groovy-Color/). Deux exemples pour lesquels la nature a trouvé pourquoi et comment faire une lumière colorée avec pigment chez le nématelminthe, sans pigment chez le calmar. Ce n’est que beaucoup plus tard que l’homme admiratif et pour ne pas se sentir exclu, s’est mis lui aussi à fabriquer lumière et couleurs d’abord avec puis sans pigment. Mais c’est la nature qui garde sans conteste la primauté des découvertes dans ce domaine. En effet elle a su attribuer mille couleurs en empruntant mille subterfuges puisqu’en dehors de tout pigment ( (Color from Structure, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/34200/title/Color-from-Structure/) elle réussit parfaitement bien. Elle maitrise à la fois le temps et l’espace des palettes colorées végétales ou animales, et la dynamique ainsi créée rend la couleur vivante. L’homme comprend probablement en partie le pourquoi de ces trouvailles, mais il est encore loin de saisir l’intégralité du comment.

Le dauphin qui parlait déjà

jeudi, juillet 25th, 2013

C’est en 1966 que paraissait pour le jeune public une série télévisée américaine dans laquelle se produisait un dauphin prénommé Flipper. Cette série mettait en scène les aventures de la famille Ricks : le père, Porter, responsable du parc aquatique Coral Key en Floride et ses deux fils, Sandy et Bud. Mais le véritable héros de la série était bel et bien Flipper, un grand dauphin apprivoisé par Bud, qui venait en aide aux nageurs en difficulté ou aux naufragés. Conforme aux récits mythologiques l’adulte et l’enfant comprennent et se font comprendre de l’animal qui en retour comprend l’homme et de cette compréhension mutuelle naît une complicité à la fois réelle et efficace. On savait cet animal doué d’une certaine forme de vie sociétale qu’il pouvait même partager avec l’homme. On sait aujourd’hui qu’il est encore capable de plus (Dolphins by Name, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36651/title/Dolphins-by-Name/) puisqu’il pourrait répondre à ce que l’on peut assimiler à un nom, son nom, un sifflement qui lui est propre. Mais il y a mieux encore puisqu’il serait aussi capable d’introduire des modifications à ce qui serait sa signature vocale ! Le bébé gazouille comme le jeune oiseau, le dauphin en se nommant se reconnait, l’outil n’est pas le propre de l’homme, un animal peut parfaitement se reconnaitre quand il voit son image dans une glace. Le champ des singularités humaines ne tendrait-il pas à se réduire comme peau de chagrin d’autant que si l’on en croit les fabulistes animaliers, les travers des uns se retrouveraient depuis longtemps chez les autres !

Que sait-on de son cerveau ?

lundi, juillet 22nd, 2013

Comme un enfant qui veut savoir comment ça marche, l’homme reste intrigué par la machine qui lui a permis de devenir ce qu’il est devenu au fil des millénaires. Sans prétendre que le cerveau est resté pour lui la boîte noire du magicien, il se situe entre la terra icognita et un jardin des délices. Bien sûr il ne s’agit que de mesurer une activité électrique ce que l’homme sait faire déjà depuis au moins Galvani et son muscle de grenouille. Mais dans le cas présent il s’agit de billions de neurones et de trillions de synapses si ce n’est plus des uns comme des autres de ces éléments. Admettons que les toutes dernières technologies, mises toutes ensemble recueillent « les fameuses informations », l’étape suivante ne sera pas moindre puisqu’il faudra les décrypter, les interpréter. Dans les 3 mois précédents on a déjà vu paraître plusieurs articles sur ce sujet : le cerveau humain reconstruit en 3D, c’est la bonne taille mais c’est trop statique ! Les cellules allumées du cerveau du zébra fish, c’est dynamique, mais c’est trop réduit ! Il n’y aura vraiment que le cerveau humain pour étudier le cerveau humain car ainsi que le dit l’article « Solving the brain » (http://www.nature.com/news/neuroscience-solving-the-brain-1.13382) : « Think about it … The human brain produces in 30 seconds as much data as the Hubble Space Telescope has produced in its lifetime.” Dans de telles conditions le lecteur moyen a du mal à s’y retrouver ! Pourtant on ne peut nier que l’homme n’a jamais été aussi près de voir se réaliser ce projet qu’il a mille fois mis sur le métier même si aujourd’hui encore, la solution n’est peut-être pas vraiment pour demain.

Chaque marche à son importance

lundi, juillet 22nd, 2013

Voir l’invisible, révéler ce que la nature cache peut se satisfaire d’actes simples comme celui qui consiste à trouver ce qui peut colorer des structures  qui ne le sont pas spontanément. Tout nouveau visible initie un processus auto-entretenu fait d’une suite de solutions et de questions qui s’emboitent les unes dans les autres. C’est ainsi que se déroule l’hstoire de la science qui voit se suivre de nouvelles interprétations ne devant leur existence qu’aux interprétations non conclusives qui les ont précédées. Dans cet ordre d’idées, les travaux de Paul Ehrlich (Side-Chain Theory, circa 1900, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36175/title/Side-Chain-Theory–circa-1900/) peuvent être cités en dexemple ! Les colorations qu’il mît au point lui permirent de mettre en évidence l’existence de spécificités tinctoriales cellulaires aussi bien que tissulaires. Comme il montra qu’il existait des structures basophiles ou acidophiles, il imagina qu’il y avait là l’équivalent d’un accrochage entre le colorant et la structure qui réagissait avec lui. De cet accrochage, il fit plus tard des serrures aux quelles des clefs appropriées devaient venir s’adapter puis il en tira une nouvelle invention la théorie des réponses immunes dite de la chaine latérale qui lui valu le prix Nobel, avec Ilya Ilitch Metchnikov, de physiologie/médecine en 1908. Bien qu’il s’agisse de l’acte fondateur sans lequel l’immunologie n’aurait pas vu le jour, cette théorie sélective fut progressivement invalidée, mais ne plus faire référence à cette théorie rend les avancées ultérieures incompréhensibles puisqu’elles n’auraient pas pu exister sans elle. Cette histoire peut conduire à deux réflexions : premièrement ne pas faire l’impasse du temps de la construction pour ne regarder que l’édifice d’autant que celui ci n’est certainement pas terminé,  deuxièmement, devant de telles innovations dont on ne peut dire comment elles ont pu voir le jour, on a presque envie de penser que l’innéité de la connaissance peut être défendue.

Quid de l’évolution ?

jeudi, juillet 18th, 2013

Après que la téorie de l’évolution ait été reconnue par la communauté scientifique avant la disparition de son concepteur Ch Darwin en 1882, l’acceptation de la sélection naturelle dut attendre un demi siècle supplémentaire pour être à son tour acceptée. Depuis la logique de cette théorie semble inattaquable si l’on fait exception des idées que professent les créationnistes qui donnent aux textes sacrés valeur de science naturelle. Logique en effet est l’explication par Darwin de la diversité mais aussi de l’unité du monde vivant. L’idée qu’il exprime  dans l’introduction de son ouvrage  Sur l’Origine des Espèces au moyen de la Sélection Naturelle, ou la Préservation des Races les meilleures dans la Lutte pour la Vie, parle simplement au lecteur quelle que soit époque :  « Comme il naît beaucoup plus d’individus de chaque espèce qu’il n’en peut survivre, et que, par conséquent, il se produit souvent une lutte pour la vie, il s’ensuit que tout être, s’il varie, même légèrement, d’une manière qui lui est profitable, dans les conditions complexes et quelquefois variables de la vie, aura une meilleure chance pour survivre et ainsi se retrouvera choisi d’une façon naturelle. En raison du principe dominant de l’hérédité, toute variété ainsi choisie aura tendance à se multiplier sous sa forme nouvelle et modifiée » Quelle est l’idée princeps de la théorie, l’adaptation : très schématiquement, ce sont les individus les mieux adaptés au milieu qui seront en mesure de survivre. Alors que vient faire ici l’exaptation ( Q & A: Evolution Makes Do, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36508/title/Q—A–Evolution-Makes-Do/) ? En fait rien de plus que ce que Ch Darwin avait lui même imaginé sans (pouvoir/vouloir ?) distinguer adaptation d’exaptation ! Puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une adaptation qui aurait mis en place une amélioration secondairement détournée pour un encore meilleur emploi. Selon Andreas Wagner, différencier formellement adaptation d’exaptation élargirait considérablement le champ d’investigation des biologistes de l’évolution ce que l’on croit aisément mais sera-t-il pour autant possible de répondre à la question du pourquoi primordial !

Mitochondries, what else ?

lundi, juillet 15th, 2013

Les mitochondries n’ont pas fini de faire parler d’elles. Il s’agit en effet d’un organite intracellulaire tout à fait particulier, dont on pourait même dire qu’il s’agit d’un monde à part entière. Si l’on excepte son implication dans la machinerie respiratoire et énergétique, ce qui est déjà loin d’être anodin, la mitochondrie a révélé une qualité qu’elle ne partage avec aucun autre organite, son ADN. Le fait qu’elle renferme un ADN qui lui est particulier a conforté l’hypothèse que l’on faisait à propos de son origine : qu’elle soit une bactérie ancestrale endocytosée par une cellule eucaryote ancestrale également. Ce qui pourrait être un argument supplémentaire en faveur de cette origine serait le fait même que les mitochondries pourraient subir les attaques ciblées de certains antibiotiques ! Dans l’étude dont il est question, (The Downside of Antibiotics?http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36329/title/The-Downside-of-Antibiotics-/) les auteurs montrent que l’administration prolongée d’antibiotiques à activité antibactérienne induisent la formation de ROS, molécules réactives contenant de l’oxygène(reactive oxygen species) au niveau des dites-bactéries. Or des doses conséquentes  de quinolones, aminoglycosides, et β-lactames entrainent des dysfonctionnements mitochondriaux ainsi qu’une surproduction de ces molécules dans les cellules des mammifères. Ce sont ces résultats qui ajoutés au fait qu’elle renferme un ADN qui lui est particulier, viennent conforté l’hypothèse que l’on faisait à propos de son origine :  bactérie ancestrale endocytosée. On peut en effet faire le raisonnement suivant : si les mitochondries subissent des attaques ciblées d’antibiotiques antibactériens, cela pourrait signifier que les mitochondries sont bel et bien d’origine bactérienne. CQFD …

Nos amis les bêtes

samedi, juillet 13th, 2013

Quelques nouvelles de la nature à déguster sans modération. C’est ainsi que tortues, guêpes, guppies, merles peuvent tout autant nous apprendre que nous ressembler, ce que fait également de façon plus inattendue le champignon (Behavior Brief, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36377/title/Behavior-Brief/). Plus avancé que l’homme et comblant certains de ses désirs, ce que ce dernier ne peut pas encore faire, l’embryon de la la tortue asiatique  (Chinemys reevesii)  se déplace dans son œuf pour rechercher la température adéquate moyennant quoi « il choisira » d’être mâle ou femelle. Incroyable, non ? L’abeille (Apis mellifera) qui contrairement à la grenouille ne veut pas se faire aussi grosse que le boeuf, essaie de ressembler à l’homme en raison d’une asymétrie cérébrale permettant un fonctionnement plus complexe. Le guppy mâle (Poecilia reticulata) pallie à sa courte durée de vie par l’allongement de la survie de ses spermatozoïdes ce qui bénéficie aussi bien à lui qu’aux femelles, abolissant ainsi une inégalité certaine entre les deux sexes. Quant au merle (Turdus merula) des villes il semble bien souffrir comme l’homme de  l’environnement dans lequel il évolue. C’est le merle des champs qui devrait peut-être inviter son cousin plus souvent. Enfin le champignon (taxon aujourd’hui obsolète) éjecte ses spores au moyen d’une structure qui ressemble à un joint torique utilisé dans les moteurs automobiles. Il est difficile de choisir entre ces deux options :   Epiméthée ayant vraiment oublié l’homme ou la nature prenant un malin plaisir à le ridiculiser ?

Primum non nocere

vendredi, juillet 12th, 2013

L’article peut paraitre  un peu long, mais le sujet en vaut vraiment la peine (Worried Sick, http://www.the-scientist.com/?articles.view/articleNo/36126/title/Worried-Sick/) ! Un sujet simple en apparence mais qui est loin d’être habituel puisqu’il s’intéresse à ces deux effets opposés que sont  l’effet placebo et l’effet nocebo. Le premier connu depuis longtemps est utilisé, le second reconnu plus récemment est à éviter. Au delà des cas rapportés, tout l’intérêt de l’article repose sur une découverte, et sur  une question. La découverte c’est la reconnaissance d’une voie de signalisation de l’effet nocebo, qui s’avère différente de celle de l’effet placebo, chacun répondant à des médiateurs différents. La question c’est comment étudier l’effet nocebo. Et il ne s’agit pas là d’une question anodine puisque il existe un principe intangible : le  primum non nocere, auquel aucun médecin ne peut se soustraire ! Comment étudier l’effet nocebo  sans passer par la case effet indésirable  ? Comme le fait remarquer l’article, les comités d’éthique peuvent être en droit de refuser ce type d’étude à moins que de passer par la présentation au sujet des dits effets. On entre alors dans le domaine de ce que l’on appelle « pudiquement » le consentement éclairé du malade. C’est là qu’intervient la présentation,  orale ou écrite, de ce que l’on regroupe sous le terme d’effets secondaires et dont on ne sait jamais ce que l’interlocuteur entendra vraiment et comprendra réellement. Peut-on s’arrêter à cette autre solution consistant à  faire signer au sujet une déclaration stipulant qu’il est d’accord pour n’être au courant de rien ! On imaginait (à tort) l’effet placebo comme relevant directement de la psychologie du sujet, on a du mal à imaginer quel pourrait être le résultat d’un refus de savoir ! Heureusement avant toute chose, il y a Google pour répondre aux questions que se pose le malade quant au traitement qui vient de lui être prescrit !